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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 46

Le jeudi 19 mai 2022
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 19 mai 2022

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée nationale du violon traditionnel

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je suis extrêmement heureuse de prendre la parole aujourd’hui pour souligner la Journée nationale du violon traditionnel, qui aura lieu samedi prochain. Dans seulement deux jours, dans tout le pays, violoneux et amateurs de musique se rassembleront pour partager leur enthousiasme à l’égard du violon traditionnel.

Vous vous souvenez peut-être que le projet de loi instituant cette journée commémorative tenait vraiment à cœur à notre ancienne collègue Libbe Hubley. Dans ses observations à l’étape de la deuxième lecture, la sénatrice Hubley a déclaré :

[...] je suis convaincue que le violon traditionnel est la métaphore parfaite pour notre pays. À l’instar du Canada, il a des racines classiques profondes, mais il est fort et suffisamment confiant pour accepter les nombreuses différences et nuances régionales qui se fondent ensemble en parfaite harmonie [...] À l’instar du Canada, il fait place à divers styles et traditions, permettant à chacun de s’épanouir pendant que, collectivement, nous créons un son entièrement nouveau.

Honorables sénateurs, c’est vrai. En effet, on trouve des styles de violon traditionnel dans tout le Canada, qui s’influencent mutuellement pour créer une musique magnifique. Par exemple, ma province natale, la Nouvelle-Écosse, s’y connaît bien en violon traditionnel.

Le Cap-Breton, en particulier, a son propre style, qu’on retrouve un peu partout dans les Maritimes. Il y a aussi le style mi’kmaq qui, à son tour, a grandement influencé le violon traditionnel du Cap‑Breton et de la Nouvelle-Écosse continentale. Ce printemps, en plein territoire des violoneux du Cap-Breton, un jeune violoneux mi’kmaq de la Première Nation de Wagmatcook, au Cap-Breton, a remporté un prix de la musique de la côte Est dans deux des trois catégories dans lesquelles il était nommé. Morgan Toney n’a que 22 ans, mais il est déjà considéré comme une étoile montante dans le monde du violon traditionnel. Il marie adroitement les chants mi’kmaqs traditionnels au style celtique. Il ne faut pas le rater.

Terre-Neuve a aussi son propre style, avec ses racines irlandaises aux influences acadiennes. Au Québec et en Acadie, on retrouve le style canadien-français. Au Manitoba et ailleurs dans les Prairies, on peut entendre le style métis. Dans d’autres régions de l’Ouest, on retrouve le style anglo-canadien, un mélange d’airs écossais, irlandais, anglais, allemands, ukrainiens et américains de type swing. Si vous avez déjà entendu Don Messer, un fier Néo‑Brunswickois, vous connaissez déjà ce style. Il y a autant de styles et de sous-groupes de violon traditionnel qu’il y a d’artistes pour les interpréter.

Comme on retrouve du violon traditionnel pratiquement partout, j’invite tous les sénateurs à rechercher les événements qui auront lieu en fin de semaine dans leur province ou territoire. Vous pourrez entendre du violon traditionnel dans les pubs et les filiales de la Légion, sur des scènes et même dans des cuisines. Passez une joyeuse Journée nationale du violon traditionnel en vous imprégnant des gigues et de toutes ces merveilleuses mélodies rassembleuses. Merci.

La Semaine de la santé maternelle et infantile

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la Semaine de la santé maternelle et infantile, célébrée la deuxième semaine de mai.

Comme certains d’entre vous le savent peut-être, la santé maternelle et infantile est un dossier qui me tient beaucoup à cœur. Par le passé, comme rapporteuse pour la Commission permanente de la démocratie et des droits de l’homme de l’Union interparlementaire, ou UIP, j’ai pris l’initiative de préparer un rapport sur le rôle des Parlements dans la promotion des services de santé maternelle et infantile. J’ai aussi joué un rôle essentiel dans l’élaboration d’une résolution historique sur cette question, et je suis fière de dire que c’était la première fois qu’une telle résolution a été adoptée par l’UIP. Pour cette raison, j’ai été nommée ambassadrice de bonne volonté de l’UIP pour la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants.

Malheureusement, au fil des ans, mon travail sur la santé maternelle et infantile a été négligé pendant que je me consacrais à certains autres droits de la personne. Il est maintenant grand temps de porter de nouveau cette question à votre attention.

Alors que nous pouvons finalement commencer à croire que la pandémie est derrière nous et à regarder en avant, la santé des mères et des nouveau-nés doit être au cœur de nos discussions. Chaque jour, près d’un millier de femmes dans le monde meurent des suites de complications qui pourraient être évitées au cours de la grossesse et de l’accouchement. C’est une estimation prudente, car il est difficile d’avoir accès à des données fiables sur la mortalité maternelle dans un grand nombre de pays. De plus, on estime qu’en 2020, 2,4 millions de nouveau-nés sont morts dans le monde. Si la tendance se maintient, on estime que 48 millions d’enfants de moins de cinq ans, la majorité étant des nouveau-nés, mourront durant la période allant de 2020 à 2030.

Selon un article récemment publié dans le Globe and Mail, il y a de sérieuses lacunes au Canada en matière de suivi des décès maternels, alors qu’entre 50 et 85 Canadiennes environ meurent chaque année durant l’accouchement ou la période postnatale, et que plus de la moitié de leurs bébés meurent également. Pire encore, le nombre de décès de bébés des peuples des Premières Nations et des Inuits est de deux à quatre fois plus élevé que les bébés non autochtones. Malgré sa richesse, le Canada occupe le 39e rang dans le monde pour ce qui est de la mortalité maternelle selon l’Organisation mondiale de la santé. J’ai l’intention d’aborder cette problématique de plus en plus à l’avenir.

Honorables sénateurs, j’aimerais remercier l’ancienne sénatrice Asha Seth de son travail soutenu pour défendre la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. Elle a utilisé son rôle à la Chambre rouge pour faire en sorte que, durant la deuxième semaine de mai, le Canada souligne la Semaine de la santé maternelle et infantile. Merci.

Gord Cunningham

Félicitations à l’occasion de sa retraite

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, c’est remplie de joie, d’affection et de gratitude que je prends la parole au Sénat du Canada pour rendre hommage à un collègue, un bon ami, un leader accompli et novateur du développement communautaire et un pédagogue inventif, Gord Cunningham. Gord, un gars fantastique, prend aujourd’hui sa retraite à titre de directeur général du Coady International Institute.

(1410)

La vie et la carrière de Gord Cunningham ont été parsemées de nombreuses réalisations, que l’on pense à son travail auprès de la Première Nation des Ojibwés du lac Wabigoon, qu’il a aidée à lancer une entreprise florissante d’exportation de riz sauvage, ou avec l’organisme Calmeadow Nova Scotia et son fonds des Premières Nations, ou encore à son travail des 25 dernières années au Coady International Institute, où il a occupé des postes novateurs dans les secteurs de la microfinance, du développement citoyen fondé sur les actifs, et de l’analyse économique des collectivités. Il a aussi écrit, avec l’universitaire Alison Mathie, un livre intitulé From Clients to Citizens : Communities Changing the Course of their Own Development.

Gord a travaillé, en Nouvelle-Écosse et ailleurs au Canada, avec des communautés des Premières Nations, métisses et inuites. Il a aussi travaillé en Colombie, en Équateur, en Égypte, en Éthiopie, en Haïti, en Inde, en Indonésie, au Kenya, en Afrique du Sud, aux Philippines, en Thaïlande, au Vietnam et aux États-Unis.

Alors qu’il quitte le Coady International Institute pour prendre sa retraite, il laisse derrière lui un réseau fort de 10 000 anciens étudiants qui sont des leaders communautaires dans 130 pays du monde et qui travaillent tous, dans leur région, à bâtir un monde meilleur.

Honorables sénateurs, j’ai été la patronne de Gord Cunningham pendant près de 25 ans, d’abord à Calmeadow à Toronto, puis à Coady. Nous adorions tous les deux travailler avec les gens pour faire bouger les choses. Chers collègues, Gord Cunningham était toujours prêt à donner sa chemise, et il l’a d’ailleurs fait dans mon cas. C’est un homme humble, excessivement généreux, loyal, dévoué, extrêmement bien informé, qui aime s’amuser. C’est franchement l’une des personnes les plus intelligentes qu’il m’ait été donné de rencontrer.

Chers collègues, l’un de mes « gordismes » favoris est : « Nous sommes entourés d’occasions favorables insurmontables. » C’est dans cette perspective que Gord travaille, plaisante, et dirige et inspire les gens.

Pour terminer, je vous souhaite, Gord Cunningham, une retraite heureuse et en santé, en explorant et en profitant des nombreuses occasions favorables qui vous attendent, vous, Marilyn, Marshall, Oliver et Elin, dans le prochain chapitre de votre vie. Gord, le monde est bien meilleur grâce à votre présence, et je sais que des milliers de personnes au Canada et dans le monde se joignent à moi pour vous remercier de vos contributions professionnelles et du cadeau de votre amitié.

Honorables sénateurs, joignez-vous à moi pour saluer ce remarquable leader canadien, Gord Cunningham. Merci.

La Calgary Stampede Foundation

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler de la Calgary Stampede Foundation. Je sais que beaucoup d’entre nous connaissent le Stampede de Calgary. Depuis plus de 100 ans, le Stampede de Calgary rassemble des Canadiens et des invités d’ailleurs dans le monde pour célébrer le patrimoine, les cultures et l’esprit communautaire de l’Ouest canadien. Cependant, vous ne connaissez peut-être pas la Calgary Stampede Foundation. Cette fondation a été créée par des donateurs communautaires désireux de donner aux jeunes de toutes les collectivités l’occasion de se réunir dans un environnement amusant, collaboratif et inspirant pour suivre leurs passions.

Je suis heureux de vous informer que la Calgary Stampede Foundation offre des programmes dans quatre domaines — les arts du spectacle, l’agriculture, l’éducation et les autochtones — qui touchent plus de 8 000 jeunes chaque année. Les événements, programmes et projets qu’elle organise tout au long de l’année investissent dans la jeunesse, soutiennent les programmes agricoles, célèbrent la culture de l’Ouest et ont un impact économique durable sur la collectivité. Comme vous le savez, l’agriculture et la jeunesse font partie de mes priorités au Sénat. Les initiatives de la Calgary Stampede Foundation liées à l’agriculture réunissent certainement ces deux domaines, avec leurs programmes qui offrent une formation en classe et des expériences pratiques interactives où les jeunes Albertains ont une possibilité unique de se renseigner sur la durabilité de la production alimentaire, la gestion des terres et des écosystèmes et les soins prodigués aux animaux.

Plus tôt cette année, j’ai rencontré des représentants de la Calgary Stampede Foundation afin de me renseigner sur son travail et sur le nouveau SAM Centre, qui doit ouvrir l’an prochain. Le SAM Centre, situé au cœur du site du Stampede de Calgary, donnera vie à des histoires sur le Stampede grâce à des expériences immersives dans un espace communautaire, qui seront rendues possibles par des technologies innovantes et par l’hospitalité de l’Ouest. La Fondation a souligné que les récits entourant le Stampede de Calgary sont des histoires intrinsèquement canadiennes, ancrées dans les thèmes du courage, de la résilience, du cœur, de l’esprit de communauté, du bénévolat et de l’action collective. Je suis tout à fait d’accord.

Pour l’instant, j’aimerais offrir mes meilleurs vœux à toutes les personnes participant à l’organisation des activités du Stampede de Calgary cette année. Je sais que les Canadiens d’un bout à l’autre du pays ainsi que les touristes d’ailleurs ont hâte d’assister au « meilleur spectacle au monde ».

Honorables sénateurs, le Stampede de Calgary et la Calgary Stampede Foundation bénéficient du soutien de milliers de bénévoles passionnés. Il s’agit de bien plus qu’un festival de 10 jours avec des manèges et du domptage de chevaux. Le Stampede de Calgary, c’est un lieu où se rassemblent des visiteurs de partout dans le monde pour apprendre tout en s’amusant. Merci. Meegwetch.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Rania Llewellyn, présidente et cheffe de la direction de la Banque Laurentienne. Elle est l’invitée de l’honorable sénateur Marwah.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Banque Laurentienne

L’honorable Sabi Marwah : Honorables sénateurs, une banque canadienne vient de célébrer, l’année dernière, son 175e anniversaire. C’est une banque qui a une riche histoire et qui a fait figure de pionnière à bien des égards. En effet, elle a été la première institution au Canada a détenir un permis de société de fiducie, la première banque à relier ses succursales à un système informatique central, la première à installer des guichets bancaires automatiques, et elle est maintenant la première grande banque canadienne à avoir nommé une femme comme présidente et cheffe de la direction.

Honorables collègues, si je vous avais posé la question, je ne crois pas que vous auriez été nombreux à deviner qu’il s’agissait de la Banque Laurentienne. Fondée à Montréal, en 1846, sous le nom de Banque d’épargne de la cité et du district de Montréal, cette banque a fait de nombreuses acquisitions au fil des années et a été rebaptisée Banque Laurentienne lors de son inscription à la Bourse de Toronto, en 1987.

En octobre 2020, la Banque Laurentienne a nommé Rania Llewellyn, qui est des nôtres aujourd’hui, comme présidente et cheffe de la direction. Née au Koweït d’un père égyptien et d’une mère jordanienne, Mme Llewellyn est une Canadienne de première génération qui a quitté l’Égypte pour immigrer au Canada pendant son adolescence, après la guerre du Golfe. Sa famille a déménagé en Nouvelle-Écosse, où Rania a obtenu un baccalauréat en commerce, une maîtrise en administration des affaires ainsi qu’un doctorat honorifique de l’Université Saint Mary’s.

Rania a commencé sa carrière en 1996, en travaillant comme caissière à temps partiel à la Banque Scotia. Elle est restée plus de 20 ans à la Banque Scotia, où elle a gravi les échelons en occupant divers postes de direction, dont ceux de première vice-présidente des services bancaires aux entreprises, de présidente et chef de la direction de Roynat Capital et de vice-présidente exécutive des paiements mondiaux pour entreprises.

Rania a la réputation d’être une leader du changement transformationnel, de bâtir des équipes ultraperformantes et de créer une culture d’égalité, de diversité et d’inclusion. L’attention qu’elle porte à améliorer l’expérience client et à créer de la valeur pour les actionnaires lui a valu de nombreuses reconnaissances; elle s’est notamment classée parmi les 25 femmes les plus influentes en 2021 et s’est vu décerner le prix de leadership de 2019 par l’association Women in Payments. En outre, son nom a récemment été inclus à la liste des 50 Canadiens les plus influents qui ouvrent la voie, qui mènent le débat et qui façonnent notre manière de pensée et notre mode de vie, du magazine Maclean’s.

En 2021, sous la direction de Mme Llewellyn, la Banque Laurentienne a procédé à un vaste examen stratégique de ses opérations et elle a annoncé une nouvelle stratégie de croissance rentable et durable en cinq points : bâtir une équipe gagnante qui transcendera les secteurs et fera passer les intérêts de la banque avant ceux des individus ou de l’équipe, se servir de sa taille comme d’un avantage concurrentiel dans des marchés spécialisés, créer une culture axée assidûment sur la clientèle, rationaliser les opérations internes, et intégrer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance à tout ce qu’elle fait.

Voilà des plans ambitieux. Lors d’une récente entrevue, Rania s’est présentée en portant un chandail en molleton sur lequel on pouvait lire : « Sous-estimez-moi pour qu’on s’amuse un bon coup. » Je ne me mettrai certainement pas à l’imiter, mais il ne fait aucun doute que la Banque Laurentienne se positionnera parmi les gagnants dans les années à venir. Merci.

Le décès de William (Bill) Fridgen

L’honorable Bev Busson : Aujourd’hui, honorables sénateurs, un héros canadien méconnu est porté à son dernier repos. Le sergent d’état-major à la retraite Bill Fridgen s’est éteint à l’âge de 105 ans. Jusqu’au mercredi 11 mai dernier, il était l’un des anciens combattants les plus âgés de la Deuxième Guerre mondiale et le doyen des vétérans de la GRC.

L’aîné d’une famille de 10 enfants, George William Fridgen est né en Saskatchewan le 27 avril 1917. Il s’est joint à la GRC en 1941. Ensuite, après s’être porté volontaire pour un détachement à la Marine royale canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale, il a servi pendant 33 ans la GRC, principalement à l’Île-du-Prince-Édouard, à Regina, à Sarnia, à Toronto et à Ottawa.

Pour donner une idée de la carrière et du legs incroyables de Bill, je pourrais mentionner le fait que son matricule de la GRC indique qu’environ 55 000 membres ont été embauchés depuis son arrivée. Comme son petit-fils l’a dit, il était plus vieux que Betty White. Le petit-fils de Bill a rapporté quelques anecdotes que Bill adorait raconter à ses petits-enfants.

Alors qu’il faisait partie de l’équipe responsable de la protection personnelle à Ottawa dans les années 1950, Bill a vu un bon nombre de dirigeants mondiaux.

(1420)

L’un des faits saillants de sa carrière est survenu quand le commissaire de l’époque a confié à son partenaire et à lui la tâche de protéger le président américain Eisenhower et sa femme, à un camp de pêche au Québec, et de surveiller leurs invités de marque à partir d’une autre embarcation. On leur a dit sur un ton comminatoire de ne jamais laisser le président hors de leur vue.

Le lendemain, le duo policier a perdu peu de poissons mordant à leurs lignes. Cependant, il a perdu quelque chose de bien plus important : dans le chaos d’un orage soudain, il a perdu de vue le président et son groupe de pêche.

Lorsque la pluie s’est enfin calmée, l’autre bateau a été localisé tout près. Il s’était réfugié derrière une petite île.

Après que Bill et son partenaire eurent donné leurs prises aux invités de marque, le président est parti à bord d’un hydravion de la GRC. Bill n’a jamais obtenu de rétroaction de la part de ses supérieurs, à l’exception de la copie d’une lettre énigmatique du président Eisenhower qui remerciait la GRC de ses services spéciaux.

Homme toujours pacifique et charmant, Bill a uniquement eu à dégainer son revolver de service une fois. À Summerside, à l’Île-du-Prince-Édouard, on lui avait confié la tâche de démanteler un réseau d’alcool de contrebande, en plein cœur de la brousse. Après des journées de surveillance remplies de suspense avec seulement de la nourriture en conserve froide à manger, Bill et son partenaire ont dégainé leur pistolet et affronté leurs cibles, qui ne s’étaient doutées de rien. Dans le feu de l’excitation, le partenaire de Bill s’est exclamé aux suspects déconcertés : « D’accord, mains, les garçons en l’air! »

À cette époque, il était interdit aux membres de la GRC de se marier dans les cinq années suivant leur enrôlement et il fallait une autorisation écrite, le cas échéant. Malgré cette période d’attente, Bill et sa femme, Mary, ont eu quatre enfants, deux filles et deux garçons, qui ont assuré leur descendance en leur donnant 11 petits-enfants, 13 arrière-petits-enfants et 2 arrière-arrière-petits-enfants. Aujourd’hui, leur famille, leurs amis et leurs admirateurs, accompagnés d’un garde d’honneur de la GRC, se sont tous rassemblés à Iroquois, en Ontario, pour célébrer sa vie, qui fut longue, fructueuse et méritante.

Merci de votre service, Bill.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Eric Slone, de Catherine Slone et de Susan Pollak. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Gold.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi concernant la modernisation de la réglementation

Projet de loi modificatif—Dépôt du deuxième rapport du Comité des transports et des communications sur la teneur du projet de loi

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui porte sur la teneur des éléments de la partie 10 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.

Projet de loi sur le Mois du patrimoine libanais

Première lecture

L’honorable Jane Cordy dépose le projet de loi S-246, Loi instituant le Mois du patrimoine libanais.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Droits de la personne

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à déposer son rapport sur des questions concernant les droits de la personne en général auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, au plus tard le 16 septembre 2022, un rapport portant sur son étude sur les questions concernant les droits de la personne en général, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

La capacité de recherche et de sauvetage

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, à l’heure actuelle, l’Aviation royale canadienne possède 13 hélicoptères de recherche et de sauvetage Cormorant pour desservir l’ensemble du pays. Récemment, nous avons perdu l’un de ces appareils dans un écrasement à la base de la 9e Escadre, à Gander.

En août 2019, l’ancien ministre de la Défense nationale avait annoncé son intention de faire l’acquisition d’au moins deux appareils Cormorant supplémentaires et de moderniser la flotte aérienne entière. Toutefois, la réponse obtenue récemment à ma question au Feuilleton du Sénat montre que, près de trois ans plus tard, aucun projet n’est en cours en vue de donner suite à cette promesse, et le ministère de la Défense nationale compte prendre une décision au cours de l’année civile en cours.

Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement néo-démocrate—libéral manque-t-il une fois de plus à son devoir de fournir aux membres de notre force aérienne le matériel dont ils ont besoin pour mener leurs opérations de recherche et de sauvetage, alors qu’il avait promis de le faire en 2019?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Grâce à l’étude réalisée par le Comité sénatorial des pêches sous la présidence du sénateur Manning, et à laquelle j’ai eu le plaisir de participer, le Sénat est bien conscient de l’importance de la recherche et du sauvetage de même que de l’importance de disposer du matériel nécessaire à ces opérations.

Honorables sénateurs, le gouvernement du Canada a investi et continue d’investir des sommes considérables pour procurer aux membres de l’Aviation royale canadienne le matériel dont ils ont besoin pour protéger les Canadiens.

Par exemple, grâce au projet Avion stratégique de transport et de ravitaillement en vol, nous avons augmenté notre capacité de transport stratégique et de ravitaillement en carburant. En outre, nous sommes en voie d’acquérir 88 avions de chasse pour remplacer notre flotte de CF-18, 28 hélicoptères CH-148 Cyclone et 16 aéronefs de recherche et sauvetage à voilure fixe. Le gouvernement est déterminé à doter l’Aviation royale canadienne de la capacité voulue.

Le sénateur Plett : Évidemment, ma question n’avait rien à voir avec ce que vous venez de dire. Je vous ai demandé pourquoi le gouvernement n’avait pas rempli une promesse qu’il a faite en 2019. Sénateur Gold, votre réponse n’a même pas effleuré le sujet. Au lieu d’une période des questions, nous devrions avoir une période de déclarations et nous pourrions répondre à nos propres questions, parce qu’il semble que c’est ce que nous devions faire.

Monsieur le leader, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a près de trois mois, on a beaucoup entendu parler de l’appui du gouvernement en matière de capacité de défense du Canada. À l’évidence, ce n’était encore que de belles paroles. La réponse écrite que j’ai reçue au sujet de la capacité du pays en matière de recherche et sauvetage indique qu’il n’y a aucun plan concernant l’accroissement de la capacité relative aux hélicoptères postés dans la région du passage du Nord-Ouest pour répondre aux besoins en matière de recherche et sauvetage. La réponse précise également que l’aviation est déjà contrainte de recycler les pièces des vieux Cormorant pour faire la maintenance des appareils opérationnels.

Monsieur le leader, comment pouvez-vous justifier ce piètre niveau de disponibilité opérationnelle? Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas la capacité ou la volonté de respecter la promesse qu’il avait faite d’améliorer les opérations de recherche et sauvetage au Canada? Je vous en prie, ne me dites pas à quel point vous soutenez l’aviation si vous n’êtes pas en mesure de me dire pourquoi ces mesures critiques n’ont pas été prises.

Le sénateur Gold : Je ne répéterai pas la réponse que je vous ai donnée en citant les investissements réalisés par le Canada pour équiper convenablement l’Aviation canadienne. Comme le savent tous les parlementaires avertis, les procédures d’approvisionnement sont longues et il est important qu’elles soient effectuées correctement. Le gouvernement s’est engagé à œuvrer en ce sens.

Les finances

La prestation canadienne pour les personnes handicapées

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, la question que je vous pose aujourd’hui concerne la prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap. La semaine dernière, l’autre endroit a adopté à l’unanimité une motion demandant au gouvernement d’instaurer cette prestation sans délai. Par le passé, le gouvernement néo‑démocrate—libéral a déjà appuyé des motions, puis n’a rien fait par la suite pour les mettre en œuvre, comme celle qui portait sur le report de fonds inutilisés à Anciens Combattants Canada, ou la motion visant à inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des organisations terroristes.

Monsieur le leader, lors d’une période de questions au mois de décembre, vous avez répondu au sénateur Housakos que le gouvernement était « saisi de cet enjeu important ». Cette prestation est-elle toujours à l’étude? Si oui, combien de temps cette étude prendra-t-elle encore?

Le mois dernier, vous avez aussi déclaré à la sénatrice Petitclerc que vous alliez vous renseigner auprès du gouvernement sur le délai de mise en place de cette prestation. Quelle réponse avez-vous reçue à vos demandes?

(1430)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de cette importante question, sénatrice. Pour autant que je sache, le gouvernement examine encore activement la question. Je me suis renseigné, mais je n’ai pas encore obtenu de réponse.

La sénatrice Martin : Le mois dernier, après que le gouvernement néo-démocrate—libéral a encore une fois omis de mettre en place la prestation canadienne pour les personnes handicapées, voici ce que Kenzie McCurdy, du groupe d’accessibilité StopGap Ottawa, a déclaré à la chaîne CTV :

Rappelez-vous avec quelle rapidité la PCU a été mise en place. Comment se fait-il qu’il n’ait fallu que quelques mois pour y arriver alors que lorsqu’il s’agit d’aider les personnes handicapées, le gouvernement doit mener une étude de trois ans, et qu’il fait une multitude de promesses et ne cesse de repousser l’échéance?

Voilà une question fort pertinente, monsieur le leader. Quelle réponse donnez-vous à Kenzie? Pourquoi le gouvernement néo-démocrate—libéral ne considère-t-il jamais les Canadiens handicapés comme une priorité?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Il n’est tout simplement pas vrai que le bien-être des Canadiens handicapés n’est pas une priorité. C’est tout le contraire.

La PCU a été mise en place très rapidement en réponse à la pandémie mondiale et, en qualité de parlementaires, nous avons tous fait notre part pour que les Canadiens, y compris nos concitoyens handicapés, reçoivent l’aide dont ils avaient besoin pour affronter le début de cette période d’incertitude. La prestation canadienne pour les personnes handicapées et les dispositions dont vous parlez sont d’importantes questions stratégiques que le gouvernement examine activement.

Le patrimoine canadien

La stratégie de lutte contre le racisme

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, malgré la promesse faite en février dernier de ne plus risquer de fonds publics dans l’oléoduc Trans Mountain, le Cabinet a approuvé une autre garantie d’emprunt de 10 milliards de dollars pour ce projet. En même temps, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations unies a publié une lettre en avril 2022 demandant au Canada d’arrêter la construction du projet TMX et du gazoduc Coastal GasLink en raison de préoccupations concernant les droits des peuples autochtones.

Sénateur Gold, pouvez-vous justifier le fait de continuer à soutenir ce projet, étant donné qu’il n’est pas conforme à nos engagements climatiques et qu’il est en contradiction avec les engagements du gouvernement en faveur de la réconciliation?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement n’a pas l’intention d’être le propriétaire à long terme du projet d’expansion du réseau Trans Mountain et se départira de son titre de propriété d’une manière et à un moment qui profiteront à tous les Canadiens. Le gouvernement a en effet annoncé qu’aucuns fonds publics supplémentaires ne seront dépensés pour le projet et que la société Trans Mountain obtiendrait le financement nécessaire auprès de sources tierces pour achever le projet.

On m’informe, chers collègues, que la société a maintenant obtenu du financement par des tiers auprès d’un groupe d’institutions financières canadiennes et que les fonds obtenus serviront à financer les coûts de construction du projet. Dans le cadre de ce processus, le gouvernement fournit une garantie d’emprunt aux institutions financières participantes, ce qui est une pratique bien connue pour les projets de cette ampleur. Il ne s’agit pas d’une nouvelle dépense publique.

Ce projet sert l’intérêt national. Il favorisera la souveraineté et la résilience du Canada et de l’économie canadienne. À cet égard, et à tous égards, le gouvernement reste déterminé à mettre en place de bons projets énergétiques qui s’inscrivent dans notre plan climatique.

La sénatrice Galvez : Il s’agit de la troisième lettre qu’envoie le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations unies. Le Canada devait soumettre ses vingt et unième, vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques combinés l’an dernier, mais il ne l’a pas encore fait. Quand le gouvernement prévoit-il répondre à ces lettres et produire les rapports requis?

Le sénateur Gold : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question.

Le gouvernement condamne le racisme sous toutes ses formes. Il reconnaît et comprend qu’il est important de lutter contre la discrimination et le racisme systémique au Canada, et il a d’ailleurs pris des mesures concrètes en ce sens au cours des dernières années. Seulement pendant les deux dernières années, le gouvernement a affecté près de 100 millions de dollars par l’intermédiaire de la stratégie canadienne de lutte contre le racisme, dont 70 millions de dollars pour soutenir des organismes communautaires qui travaillent, partout au pays, sur ces enjeux que sont le multiculturalisme et la lutte contre le racisme. Ajoutons que le budget de 2022 prévoit 85 millions de dollars pour soutenir le travail en cours en vue du lancement d’une nouvelle stratégie de lutte contre le racisme et d’un plan national de lutte contre la haine.

Pour ce qui est de votre question précise, je me renseignerai auprès du gouvernement. J’espère pouvoir communiquer une réponse au Sénat dans les meilleurs délais.

Les finances

La Prestation canadienne d’urgence

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold. Les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard qui ont soumis une demande d’assurance-emploi pendant la pandémie ont automatiquement été inscrits à la Prestation canadienne d’urgence sans le savoir et sans avoir reçu de confirmation de leur admissibilité. Maintenant, l’Agence du revenu du Canada leur envoie des lettres en leur demandant de rembourser jusqu’à 2 000 $, ce qui sème la confusion et provoque de la frustration. À nos yeux, 2 000 $, ce n’est peut-être pas beaucoup, mais c’est toute une somme pour les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts. C’est dans l’île que le taux d’inflation est le plus élevé au pays, et c’est sans compter le taux de chômage élevé et le prix de l’essence qui s’envole.

Sénateur Gold, pourquoi l’Agence du revenu du Canada exige‑t‑elle des remboursements aux habitants de l’Île-du-Prince-Édouard qui ont soumis une demande d’assurance-emploi, mais qui ont automatiquement été inscrits à la Prestation canadienne d’urgence? Cette approche est injuste et déraisonnable, en particulier pour ceux qui n’ont pas les moyens de payer.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénateur, et d’avoir soulevé cet enjeu important. Si je comprends bien votre question, on m’a informé que le gouvernement travaille avec les personnes visées afin de tenter de régler ces problèmes et de faire preuve de souplesse. Comme je l’ai déjà dit à maintes reprises au Sénat, la vitesse à laquelle on a déployé la Prestation canadienne d’urgence afin de protéger le plus grand nombre de Canadiens a eu certaines conséquences imprévues, que le gouvernement tente toujours de régler.

Le sénateur Francis : Le gouvernement fédéral est-il au moins prêt à annuler la dette des habitants de l’Île-du-Prince-Édouard qui vivent au seuil de la pauvreté ou en deçà? Si oui, quelle sera la procédure à suivre et combien de temps devrons-nous attendre avant qu’elle n’entre en vigueur? Quelles seront les conséquences pour les habitants qui ne seront pas capables de rembourser les sommes exigées?

Le sénateur Gold : Encore une fois, je vous remercie. Je n’ai pas de réponse précise à votre question, monsieur le sénateur, mais je vais certainement me renseigner. J’espère vous revenir avec une réponse dans les plus brefs délais.

Le taux d’imposition

L’honorable Jim Quinn : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, l’industrie de la bière, du vin et des spiritueux s’inquiète de plus en plus de la hausse automatique des droits d’accise prévue l’année prochaine. En effet, puisque cette hausse est liée à l’inflation, elle pourrait se situer à 6 %, voire davantage. Seulement pour le secteur de la bière, cela représente l’équivalent de quelque 41 millions de dollars en nouveaux droits d’accise. La possible augmentation de 6 % est la conséquence directe de la disposition d’indexation automatique qui a été instaurée dans la Loi no 1 d’exécution du budget de 2017, malgré les préoccupations du Sénat à l’époque.

Selon l’ancien sénateur Day, cette disposition :

[...] enlève aux parlementaires une partie du pouvoir et de la responsabilité qu’ils ont de surveiller les dépenses publiques et d’agir dans l’intérêt des Canadiens pour protéger les fonds publics.

À mon avis, cela commence à altérer le principe constitutionnel selon lequel il ne peut y avoir de taxation sans représentation. En instaurant une mesure administrative qui permet d’augmenter chaque année les droits d’accise sans passer par le Parlement, nous nous retrouvons dans une situation où la hausse est inflexible. À mon avis, cette manière de faire est contraire à l’objet des mesures adoptées en 2017, quand les taux d’inflation étaient bas et que les taux d’intérêt étaient beaucoup moins élevés.

Sénateur Gold, le gouvernement abrogera-t-il la disposition d’indexation automatique des droits d’accise sur les produits alcoolisés?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. À ce que je sache, le gouvernement n’a pas l’intention de révoquer cette disposition d’indexation. Comme d’autres taxes et prestations, les droits d’accise sur l’alcool ont un taux qui s’ajuste automatiquement à l’inflation chaque année, comme vous l’avez dit dans votre question.

Chers collègues, cette approche est la bonne. Elle donne de la certitude à l’industrie tout en veillant à ce que le système de taxation soit juste pour tous les Canadiens. On m’a indiqué que l’augmentation représentait moins d’un cinquième de cent par cannette de bière et aussi qu’il y a des mesures particulières qui prennent en considération les besoins des brasseurs artisanaux. À l’heure actuelle, la bière à faible teneur en alcool, c’est-à-dire celle dont le taux d’alcool est inférieur à 0,5 % par volume, est assujettie aux droits d’accise, alors que le vin et les spiritueux à faible teneur en alcool ne le sont pas.

On m’a aussi indiqué que le gouvernement éliminerait les droits d’accise sur la bière à faible teneur en alcool à compter du 1er juillet 2022. Cela fera en sorte que la bière à faible teneur en alcool recevra le même traitement que le vin et les spiritueux au taux d’alcool similaire. Le Canada s’alignera ainsi sur les pratiques des autres pays du G7 en la matière.

Le gouvernement reconnaît l’importante contribution des producteurs de bière, de vin et de spiritueux à l’économie du Canada.

Le sénateur Quinn : C’est intéressant parce que les gens à qui nous parlons dans l’industrie nous disent qu’ils s’inquiètent beaucoup d’éventuelles pertes d’emplois, non seulement dans leur secteur, mais aussi dans ceux qui utilisent les produits alcoolisés, par exemple l’industrie du tourisme, les bars, les restaurants, etc. Ils disent que, dans l’environnement actuel, où les taux d’intérêt sont élevés, le risque de pertes d’emplois est bien réel. Si le gouvernement ne présente pas un projet de loi visant à abroger la disposition d’indexation, pourriez-vous appuyer le dépôt par le Sénat d’un projet de loi d’intérêt public visant à abroger la disposition sur les droits d’accise et à revenir à une augmentation annuelle des droits d’accise, si nécessaire? Après tout, des millions de Canadiens aiment savourer un verre de vin ou une bière fraîche, mais, dans l’état actuel des choses, les droits d’accise actuels les rendront encore plus inaccessibles pour le Canadien moyen.

(1440)

Le sénateur Gold : Bien que je fasse partie de ceux qui aiment savourer une bière fraîche ou un verre de vin, en tant que représentant du gouvernement, je n’appuierai pas un projet de loi d’intérêt public qui va à l’encontre de la politique du gouvernement.

Les affaires étrangères

La cour d’appel final de Hong Kong

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Votre gouvernement fait de beaux discours sur la démocratie, non seulement ici, mais aussi autour du monde. Vous avez beaucoup parlé ces derniers temps de la montée de l’autoritarisme; malheureusement, vous vous en êtes servi comme toile de fond pour restreindre la liberté d’expression ici au Canada.

Sénateur Gold, pourquoi votre gouvernement n’en fait-il pas davantage pour s’attaquer au véritable autoritarisme dans le monde? Quelle est la position du gouvernement du Canada en ce qui concerne le rôle de l’honorable Beverley McLachlin à titre de juge étrangère non permanente à la cour d’appel final de Hong Kong? Le gouvernement du Canada croit-il que le maintien de l’ancienne juge en chef McLachlin au sein de cette cour confère une légitimité à l’ingérence de la Chine dans le système juridique de Hong Kong?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question et de vos efforts soutenus pour attirer l’attention sur les graves violations des droits de la personne en Chine et sur les atteintes à la liberté à Hong Kong.

Le gouvernement continue de travailler avec ses alliés et de faire tout ce qu’il peut dans ce dossier. Pour répondre à votre question à propos de l’ancienne juge en chef McLachlin, c’est une décision qui lui appartient, et je n’ai rien d’autre à dire à ce sujet.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, vous avez tout à fait raison de dire que la situation est très grave, et il faut prendre des mesures en conséquence. En mars, deux juges d’une haute cour de justice britannique ont quitté leurs fonctions à la cour d’appel final de Hong Kong. L’un d’eux a publié une déclaration dans laquelle il dit qu’il lui est :

[...] impossible de continuer de siéger à Hong Kong sans donner l’impression d’appuyer une administration qui s’est écartée des principes de liberté politique et de liberté d’expression.

Depuis que ces juges ont donné leur démission, plus tôt cette année, le gouvernement du Canada a-t-il communiqué avec l’ancienne juge en chef au sujet du fait qu’elle continue de siéger à cette cour de justice? Je vous prie, monsieur le leader du gouvernement, de ne pas répondre que ce serait inapproprié, puisque votre gouvernement n’a vu aucun inconvénient à joindre Mme McLachlin lors du scandale impliquant SNC-Lavalin.

J’aimerais donc savoir si le gouvernement a, oui ou non, communiqué avec l’ancienne juge en chef à ce sujet. Si la réponse est non, pourquoi ne l’a-t-il pas fait?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de cette question complémentaire. Le gouvernement a énormément de respect pour l’ancienne juge en chef McLachlin et pour les contributions qu’elle a apportées à la Cour suprême et à la jurisprudence du pays.

J’ignore s’il y a eu des communications entre le gouvernement et la juge McLachlin.

[Français]

La justice

La violence faite aux femmes

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Il y a deux semaines, le Québec annonçait le lancement de tribunaux spécialisés en matière de violence conjugale dans plus d’une vingtaine de villes de la province. Le Québec a adopté, comme vous le savez, le projet de loi no 24 qui imposera le bracelet électronique à ceux qui seront libérés des prisons provinciales. De plus, à la fin de l’année 2021, le Québec a également adopté une stratégie en matière de prévention de la violence conjugale. Depuis sept ans, aucune action n’a été prise par le gouvernement fédéral relativement à la violence conjugale. Cette dernière est en augmentation constante depuis trois ans.

Sénateur Gold, comment expliquez-vous que votre gouvernement n’a adopté aucune stratégie pour lutter contre la violence conjugale et la violence faite aux femmes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. En tant que Québécois, je suis très heureux que notre province, encore une fois, prenne les devants dans ce domaine extrêmement important.

Comme je l’ai mentionné à plusieurs reprises dans cette Chambre, le gouvernement du Canada a fait d’importants investissements pour soutenir plus de 1 200 organismes qui travaillent sur le terrain et qui offrent des services essentiels aux femmes victimes de violence.

Dans le budget de 2021, le gouvernement a continué son travail en investissant plus de 3 milliards de dollars sur cinq ans pour faire en sorte que les initiatives se poursuivent contre la violence fondée sur le sexe. Il est essentiel que tous soient d’accord pour dire que la violence contre les femmes, fondée sur le sexe, n’est pas tolérée au Canada. Le gouvernement est au courant de cet enjeu et continuera à travailler pour protéger tous les Canadiens et Canadiennes.

Le sénateur Boisvenu : Merci de votre réponse, sénateur Gold. Cependant, ma question ne visait pas à savoir si le gouvernement avait fait des investissements. Je sais qu’il a investi énormément pour cacher les femmes dans des centres d’hébergement.

Que fait le gouvernement pour protéger les femmes qui dénoncent leur agresseur?

Nous avons maintenant au Canada deux systèmes de justice pour les femmes : un système québécois qui protégera les femmes en contrôlant les agresseurs à leur sortie de prison et un système canadien qui ne protégera pas les femmes. Trouvez-vous cela normal?

Le sénateur Gold : Merci pour la question. Comme vous le savez, l’administration de la justice est de compétence provinciale. Donc, il est normal qu’il y ait des systèmes différents partout au Canada, compte tenu du fait que chaque province a le droit, le privilège, le pouvoir et la compétence de légiférer à cet égard.

Le rôle du gouvernement fédéral est complémentaire. Il a la compétence de légiférer en matière de droit criminel. Donc, les systèmes travaillent ensemble. Dans un système fédéral comme le nôtre, il est normal qu’il y ait des rôles et des réponses qui diffèrent de la part des différents ordres de gouvernement.

Le Bureau du Conseil privé

Les nominations par le gouverneur en conseil

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Je reviens sur votre réponse à ma question d’hier sur la place des francophones dans la haute fonction publique.

En 1962, le président du CN, Donald Gordon justifiait l’absence de francophones parmi les 17 vice-présidents de l’entreprise qu’il dirigeait en déclarant que les francophones n’avaient pas nécessairement les compétences requises pour occuper ces postes. Cette déclaration est devenue un symbole du mépris de certains anglophones envers les francophones : ces derniers ne sont juste pas assez compétents.

Sénateur Gold, votre réponse d’hier ressemblait étrangement à celle de M. Gordon, en 1962. Maintenez-vous que si votre gouvernement nomme des anglophones unilingues à des postes qui exigent le bilinguisme, c’est parce qu’il n’y a pas de francophones assez compétents pour occuper ces postes? Êtes-vous le Donald Gordon de 2022?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Le ton monte chaque fois que vous me posez une question.

Non, je ne suis pas le Donald Gordon de 2022. La réponse de Donald Gordon vient d’une ère heureusement révolue. Je ne répéterai pas la réponse que je vous ai donnée hier. Cependant, j’aimerais souligner l’engagement du gouvernement du Canada à continuer de faire en sorte que la promotion des fonctionnaires ou des autres dirigeants de langue française soit une priorité pour le gouvernement.

Le sénateur Carignan : Vous semblez chercher des mandats à confier au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Accepteriez-vous que le Comité des langues officielles enquête sur les raisons pour lesquelles le Bureau du Conseil privé est incapable de trouver des personnes bilingues pour des postes de haute direction ou pour des postes de lieutenant-gouverneur?

Le sénateur Gold : Nos comités sont bien connus pour faire des études et non des enquêtes. J’ai peut-être mal compris votre question. Le comité et le Sénat sont responsables des mandats des comités. Je vais attendre qu’une telle motion soit déposée au Sénat avant de décider comment je voterai, mais je suis convaincu que le comité, qui a fait un bon travail par le passé, va continuer de le faire dans un esprit ouvert et non partisan, comme le Sénat doit le faire.

(1450)

[Traduction]

Infrastructure Canada

La Banque de l’infrastructure du Canada

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, ma question fait suite à une réponse que vous avez donnée le mois dernier concernant la Banque de l’infrastructure du Canada. À ce moment-là, vous avez parlé de deux projets précis, dont le projet d’Internet haut débit au Manitoba, qui créera 50 emplois permanents. Même si la Banque de l’infrastructure du Canada est opérationnelle depuis 2017, c’est le tout premier projet qu’elle a annoncé au Manitoba. Selon un reportage publié il y a environ un an, le projet devait obtenir le financement au printemps dernier. Au lieu de cela, le financement n’a été finalisé qu’en août dernier.

Comme c’est le cas de tous les projets annoncés par la Banque de l’infrastructure, le projet d’Internet haut débit au Manitoba n’a pas été mené à bien. En fait, je ne trouve aucune preuve, sénateur Gold, que la construction ait même commencé. Monsieur le leader, le travail a-t-il été entrepris? Sinon, quand s’attend-on à ce qu’il le soit?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je vais devoir m’informer sur les détails précis de votre question et je transmettrai la réponse au Sénat.

Le sénateur Plett : Honorables sénateurs, quel que soit le parti au pouvoir, le gouvernement du Canada a appuyé d’importants projets au fil des ans, et ce, bien avant la création de l’organe bureaucratique dispendieux et inefficace de la Banque de l’infrastructure du Canada. Il continuera de soutenir les projets qui en valent la peine, même après l’abolition de la Banque de l’infrastructure recommandée par un comité de l’autre endroit plus tôt ce mois-ci.

Monsieur le leader, le mois dernier, vous avez également mentionné le projet de liaison hydroélectrique et de fibre optique dans la région de Kivalliq, un projet visant à alimenter le Nunavut en hydroélectricité depuis le Manitoba, projet que le Parti conservateur appuie, comme vous le savez probablement. Dans le protocole d’entente de ce projet, qui a été signé il y a plus de deux ans, en février 2020, on dit que la Banque de l’infrastructure participe au projet à titre consultatif. À l’époque, l’ancien président-directeur général avait dit aux médias que la Banque de l’infrastructure investirait peut-être dans ce projet, mais cela ne semble pas s’être produit.

Pourriez-vous vous renseigner pour savoir où en est le projet à l’heure actuelle, et si la Banque de l’infrastructure a investi dans celui-ci?

Le sénateur Gold : Je le ferai certainement. Merci.

[Français]

Le Bureau du Conseil privé

La nomination d’une lieutenante-gouverneure unilingue

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Trois députés libéraux fédéraux du Nouveau-Brunswick ont pris la parole ces derniers jours. Il s’agit des députés Serge Cormier, René Arseneault et Jenica Atwin, qui ont pris publiquement la parole récemment pour dénoncer la décision du gouvernement de porter en appel le jugement traitant du bilinguisme de la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick.

Si le gouvernement n’écoute pas les gens de l’opposition, est-ce qu’il va écouter les députés de son propre parti et réviser la décision de porter le dossier en appel?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Comme je l’ai expliqué dans cette Chambre, le gouvernement a décidé de porter ce jugement en appel non pas parce qu’il est contre le principe, mais parce que le motif du jugement soulève des questions constitutionnelles importantes qui doivent être traitées et déterminées par la Cour suprême.

Le sénateur Carignan : Lesquelles?

Le sénateur Gold : Les questions que les motifs du jugement soulèvent comprennent, entre autres, la façon d’amender la Constitution, l’interprétation des dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867, et la portée de la Charte. Selon ma compréhension, ce sont quelques enjeux qui doivent être clarifiés. C’est la raison pour laquelle la décision a été portée en appel.

Réponses différées à des questions orales

(Le texte des réponses différées figure en annexe.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Claude Carignan : Hier, dans un échange avec le représentant du gouvernement au Sénat, j’ai utilisé le mot « mépris ». J’ai dit que le leader méprisait le Sénat. Je voulais plutôt dire qu’il se méprenait sur le rôle du Sénat et pas qu’il méprisait le rôle du Sénat. Je demande que ce soit corrigé dans le hansard, s’il vous plaît.

Son Honneur le Président : Merci beaucoup, sénateur Carignan.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi S-8, suivie de l’étude de la motion no 42, suivie de l’étude de la motion no 41, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Traduction]

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés
Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’honorable Peter Harder propose que le projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, apportant des modifications corrélatives à d’autres lois et modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, depuis presque trois mois, les Canadiens regardent avec horreur l’invasion injustifiable de l’Ukraine par la Russie. Comme nous le savons tous, le 24 février 2022, sans qu’il y ait eu provocation, les forces russes ont entrepris une invasion massive de l’Ukraine. Cette action inacceptable constitue une violation flagrante du droit international, de la Charte des Nations unies et de l’ordre international fondé sur des règles.

Ces attaques ont largement dévasté les infrastructures et les bâtiments ukrainiens en plus de causer la mort inutile de nombre d’Ukrainiens, surtout des civils. Ces actions constituent la suite et l’accélération des mesures violentes prises par la Russie depuis le début de 2014 pour miner la sécurité, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

Face à un mépris aussi flagrant de l’ordre international, le gouvernement du Canada, de concert avec ses alliés, a réagi à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en imposant des mesures économiques, y compris des sanctions, afin d’indiquer clairement que l’agression du régime russe ne serait pas tolérée. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février, le gouvernement du Canada a imposé des sanctions dans le cadre de la Loi sur les mesures économiques spéciales à plus de 1 000 personnes en Russie, en Ukraine et au Bélarus. D’autres sanctions ciblées sont prévues en réaction à l’agression russe, afin de contribuer au consensus international grandissant visant à réprimander le président Poutine et ceux qui le soutiennent pour cette violente attaque sans provocation de l’Ukraine.

Le motif justifiant l’imposition de ces sanctions en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales est qu’il y a eu une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales, ce qui a entraîné la situation grave que nous voyons aujourd’hui.

Les modifications législatives que je présente aujourd’hui visent la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Elles fourniront au Canada les capacités nécessaires pour mieux arrimer les sanctions du gouvernement avec les instances responsables de l’immigration et de l’accès au pays.

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés définit quand une personne est interdite de territoire au Canada et établit les critères applicables aux résidents permanents et aux étrangers qui souhaitent entrer ou rester dans notre pays. Cependant, selon la version actuelle de la loi, ses dispositions relatives à l’interdiction de territoire ne cadrent pas avec la raison justifiant la majorité des sanctions qui ont été imposées à la Russie en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Ainsi, la plupart des individus visés par ces sanctions pourraient entrer, voyager ou rester au Canada sans entrave s’ils ne sont pas autrement interdits de territoire. Ce fait va à l’encontre des objectifs stratégiques du Canada en ce qui concerne l’imposition mesurée, mais ferme de sanctions et de restrictions à des étrangers qui appartiennent au régime russe ou qui en sont de principaux partisans. Des mesures législatives s’imposent de toute urgence pour harmoniser les sanctions d’interdiction de territoire de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés avec les dispositions de la Loi sur les mesures économiques spéciales.

(1500)

Votre Honneur, c’est pour cette raison que je suis ici aujourd’hui : proposer le projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui permettrait notamment d’harmoniser la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés avec la Loi sur les mesures économiques spéciales afin que tous les étrangers visés par des sanctions en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales soient aussi frappés d’une interdiction de territoire au Canada. Si le projet de loi est adopté, les motifs actuels entraînant une interdiction de territoire liés aux sanctions seront étendus pour que les étrangers visés par des sanctions en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, peu importe les raisons, ne puissent pas venir au Canada. Cette approche inclut les étrangers visés par des sanctions qui proviennent non seulement de la Russie, du Bélarus et de l’Ukraine, mais également de l’Iran, du Myanmar, du Soudan du Sud, de la Syrie, du Venezuela, du Zimbabwe et de la Corée du Nord. De plus, ces modifications permettront de moderniser le cadre actuel des sanctions d’interdiction de territoire de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Permettez-moi d’expliquer l’importance de cette mesure législative et pourquoi je cherche à la faire adopter le plus rapidement possible. Les modifications prévues dans le projet de loi permettront à tous les motifs d’interdiction de territoire liés aux sanctions d’être traités d’une manière cohésive et cohérente. Elles renforceront les lois existantes en matière d’interdiction de territoire, ce qui interdirait aux personnes passibles de sanctions d’entrer sur le territoire canadien. Elles garantiront que les sanctions imposées par le gouvernement du Canada ont des conséquences directes sur l’immigration et l’accès au Canada. Par ailleurs, elles permettront à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et aux gens de ce ministère de refuser d’octroyer à l’étranger des visas de résident temporaire ou permanent, et elles autoriseront l’Agence des services frontaliers du Canada et ses fonctionnaires à refuser l’entrée aux personnes sanctionnées par le Canada ou à les renvoyer de notre pays.

Une fois que la mesure législative sera en vigueur, elle s’appliquera à tous les étrangers passibles de sanctions décrétées unilatéralement par le Canada et aux membres de leur famille immédiate. Les modifications prévues feraient en sorte que tous les responsables russes sanctionnés par la Loi sur les mesures économiques spéciales et leurs partisans, qui ont eux aussi été sanctionnés, soient interdits de territoire au Canada.

Comme les honorables sénateurs s’en souviendront, cette approche s’aligne et s’appuie aussi sur les récentes activités législatives qui ont bénéficié d’un solide appui dans cette enceinte.

Dans le rapport de 2017 du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes, intitulé Un cadre cohérent et efficace au régime de sanctions du Canada : Sergueï Magnitski et au-delà, le comité recommandait de modifier la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés pour que toutes les personnes désignées par un règlement pris en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales soient interdites de territoire au Canada.

Parallèlement, toujours en 2017, la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, connue sous le nom de loi de Sergueï Magnitski ou projet de loi S-226 — qui a été parrainé par l’ancienne sénatrice Andreychuk —, est entrée en vigueur.

Cette loi comportait deux motifs d’interdiction de territoire qui s’alignaient sur les dispositions relatives aux sanctions pour les violations des droits de la personne et les actes de corruption à grande échelle.

Des modifications subséquentes ont aussi été apportées au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés afin que les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada — contrairement à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié — puissent rendre des ordonnances d’expulsion, directement aux points d’entrée, pour les personnes interdites de territoire, en vertu des nouvelles dispositions sur les sanctions prises en cas d’interdiction de territoire. Cela a permis d’éviter que les personnes visées ne soient physiquement envoyées devant la Section de l’immigration au Canada pour enquête, avec les coûts connexes et les affaires pressantes que cela induit.

Finalement, le budget de 2018 octroyait à l’Agence des services frontaliers du Canada le financement nécessaire pour, entre autres choses, faire en sorte que l’agence collabore avec Affaires mondiales Canada et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour que les personnes frappées d’interdiction de territoire soient identifiées le plus tôt possible durant leur transit en vue de les empêcher d’entrer au pays.

Ces investissements et le travail efficace des agents frontaliers et des agents de l’immigration au Canada et à l’étranger soutiennent les modifications législatives pour lesquelles je demande aujourd’hui votre appui.

En plus du travail déjà effectué, le projet de loi prévoit d’autres modifications complémentaires de coordination, qui sont requises afin d’aligner les dispositions en matière d’interdiction de territoire sur les dispositions relatives aux sanctions tout en maintenant l’intégrité des deux cadres.

Premièrement, comme il a déjà été mentionné, toutes les dispositions en matière d’interdiction de territoire relatives aux sanctions seront traitées de façon cohésive et cohérente. Cela comprend notamment, par exemple, l’ajout d’un élément temporel à toutes les dispositions d’interdiction de territoire relatives aux sanctions de façon à ce que la personne ne soit interdite de territoire qu’aussi longtemps que son nom figure sur la liste des personnes sanctionnées.

De plus, comme c’est déjà le cas dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, les membres de la famille immédiate des étrangers interdits de territoire parce qu’ils font l’objet de sanctions sont également interdits de territoire. De la même manière, les dispositions existantes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés concernant la détention des immigrants et les personnes sanctionnées s’appliqueront dans le cas des nouveaux motifs de sanction.

Deuxièmement, d’autres modifications législatives apportées au moyen du projet de loi visent à assurer que le cadre en matière d’interdiction de territoire concernant les sanctions multilatérales, comme les sanctions imposées de concert avec les Nations unies, soit étendu de façon à inclure les groupes ou les entités non étatiques plutôt que seulement les États sanctionnés, comme c’est le cas aujourd’hui.

À l’heure actuelle, les sanctions prises à l’encontre de groupes et d’entités non étatiques, tels qu’Al-Qaïda ou le groupe État islamique, ne font pas automatiquement l’objet d’une interdiction de territoire pour motif de sanctions. Les modifications proposées faciliteront davantage les mesures d’interdiction et de mise en application des sanctions imposées de façon multilatérale. Ne vous méprenez pas. Les modifications proposées permettront d’améliorer la capacité du Canada à identifier et à arrêter les ressortissants étrangers visés par des sanctions avant qu’ils ne viennent au Canada.

Dans l’éventualité où certains individus visés par une interdiction de territoire pour motif de sanctions parviendraient malgré tout à notre frontière, des agents délégués de l’Agence des services frontaliers du Canada auront le pouvoir d’ordonner immédiatement leur expulsion dès leur arrivée au point d’entrée.

Il importe de noter, comme je l’ai dit précédemment, que l’interdiction de territoire pour cause de sanctions est le mécanisme le plus efficace pour identifier le plus tôt possible les personnes interdites de territoire tout au long du continuum des voyages et les empêcher d’obtenir un visa pour le Canada en premier lieu.

Bien que d’autres dispositions d’interdiction de territoire puissent s’appliquer à certaines personnes visées par des sanctions, il ne faut pas présumer que toutes les personnes visées par des sanctions sont également interdites de territoire pour d’autres motifs. De plus, d’autres motifs d’interdiction de territoire potentiellement pertinents, comme la perpétration de crimes de guerre, nécessitent une enquête approfondie, une analyse au cas par cas et des audiences devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada avant qu’ils ne puissent être appliqués et avoir des conséquences.

On ne s’attend pas à ce que tous les individus sanctionnés soient, dans les faits, également considérés interdits de territoire pour d’autres motifs prévus dans la LIPR. À moins qu’il n’y ait dans la LIPR un motif clair et précis d’interdiction de territoire qu’on puisse invoquer contre un individu, les agents de l’immigration et des services frontaliers n’ont pas le pouvoir discrétionnaire de refuser l’entrée au Canada. Par conséquent, les modifications proposées sont essentielles pour assurer une concordance cohérente entre l’interdiction de territoire et les sanctions.

Cette mesure propose également d’autres modifications spécifiques. Elle vise par exemple à corriger une incohérence créée par le projet de loi S-226 dans la politique concernant les réfugiés. La loi de Sergueï Magnitski fait en sorte que les ressortissants étrangers interdits de territoire ne peuvent pas présenter une demande d’asile. Cependant, les sanctions multilatérales, comme celles imposées aux termes de la Loi sur les Nations Unies, n’entraînent pas la même conséquence dans la LIPR.

Dans le même ordre d’idées, aux termes de la Convention sur les réfugiés, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ne considère pas les sanctions comme une raison suffisante pour justifier l’exclusion du bénéfice de la protection à titre de réfugié. Les modifications proposées corrigent cette asymétrie et permettent à tous les individus faisant l’objet de sanctions de demander l’asile, ce qui respecte les obligations internationales du Canada. Toutefois, les ressortissants étrangers interdits de territoire pour sanctions qui obtiennent le statut de réfugié ou de personne protégée ne pourraient pas devenir résidents permanents tant qu’ils font l’objet de sanctions.

(1510)

Le mépris des conventions internationales et des principes fondamentaux des droits de la personne des individus visés par des sanctions ne servira pas leurs intérêts.

Nous devons respecter des normes plus strictes. Or, le projet de loi S-8 fera en sorte qu’il sera plus facile de tenir ceux qui violent les droits de la personne hors du Canada. Il s’agit là d’une approche ferme, mais équilibrée.

Par ailleurs, si une personne interdite de territoire en raison de sanctions était visée par des mesures de renvoi, elle pourrait demander un examen des risques avant renvoi afin de pouvoir bénéficier d’une juste évaluation des risques auxquels l’expose un renvoi du Canada.

Comme les sanctions sont le reflet direct des politiques gouvernementales, d’autres modifications sont proposées dans le but de réduire les moyens de contourner l’interdiction de territoire pour sanctions prévues dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Je crois que la levée des sanctions permet d’en éviter les conséquences. C’est pourquoi le projet de loi prévoit accorder au ministre le pouvoir de prendre des mesures de renvoi en raison de l’interdiction de territoire pour sanctions. De plus, selon les modifications proposées, les personnes interdites de territoire pour sanctions ne pourraient interjeter appel à la Section d’appel de l’immigration ou présenter une demande de résidence permanente pour motif d’ordre humanitaire.

Toute demande de recours liée à des sanctions devrait être adressée à l’entité qui a imposé les sanctions. Par exemple, les personnes qui sont interdites de territoire en raison de sanctions imposées par le Canada pourraient demander au ministre des Affaires étrangères d’être retirées de la liste, comme le permet le régime des sanctions. De plus, comme c’est le cas de toutes les décisions prises en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Cour fédérale sera toujours habilitée à mener une révision judiciaire des déterminations d’interdiction de territoire pour sanctions.

Ce projet de loi propose des modifications corrélatives à la Loi sur les mesures d’urgence et à la Loi sur la citoyenneté afin de maintenir et de clarifier les pouvoirs actuels concernant l’interdiction de territoire des personnes visées par des sanctions dans ces lois.

Honorables sénateurs, maintenant, plus que jamais, nous devons tâcher d’harmoniser le régime de sanctions de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés avec celui de la Loi sur les mesures économiques spéciales.

Les modifications que propose ce projet de loi sont une mesure que le Canada se doit de prendre pour sanctionner fermement les ressortissants étrangers qui font partie du régime russe, qui sont d’importants alliés du régime, ou qui enfreignent les droits de la personne de la même façon.

Ce projet de loi donnera au Canada des pouvoirs bien nécessaires pour mieux arrimer les sanctions gouvernementales et les pouvoirs nécessaires afin que nos agents de l’immigration puissent refuser l’accès au Canada. Il nous permettra aussi de contribuer à des mesures concertées avec nos partenaires internationaux.

Chers collègues, aucune autre solution que celle de modifier les lois ne permettra d’harmoniser parfaitement les sanctions contre les ressortissants russes et l’interdiction de territoire.

Le projet de loi dont est saisi le Sénat aujourd’hui offre une approche globale et prudente qui permettrait au gouvernement de réagir à l’agression perpétrée par le régime russe avec des sanctions appropriées en matière d’immigration. Il indiquera clairement que le vaste régime de sanctions du gouvernement du Canada a des implications graves non seulement du point de vue économique, mais aussi du point de vue de l’immigration et de l’accès au Canada.

J’exhorte le Sénat à faire progresser l’étude de ce projet de loi le plus rapidement possible pour qu’il soit renvoyé au comité. Merci.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à propos du projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Le projet de loi dont nous sommes saisis vise à modifier la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés à divers égards.

Premièrement, il vise à réorganiser les dispositions existantes en matière d’interdiction de territoire relatives aux sanctions dans le but d’établir un motif distinct d’interdiction de territoire pour sanctions en fonction de sanctions que le Canada pourrait imposer en réponse à un acte d’agression.

Deuxièmement, il propose d’élargir la portée de l’interdiction de territoire pour sanctions en incluant les sanctions imposées non seulement à l’égard d’un pays, mais aussi à l’égard d’une entité ou d’une personne.

Troisièmement, il propose d’élargir la portée de l’interdiction de territoire pour sanctions en incluant tous les décrets et règlements pris en vertu de l’article 4 de la Loi sur les mesures économiques spéciales.

Enfin, il modifie le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés pour, notamment, prévoir que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, au lieu de la Section de l’immigration, aura le pouvoir de prendre des mesures de renvoi en raison de l’interdiction de territoire pour sanctions visée au nouvel alinéa 35.‍1(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Le gouvernement a présenté ces mesures pour répondre, entre autres, à l’invasion sanglante de l’Ukraine par la Russie. Nous approchons maintenant du troisième mois de cette invasion et nous avons tous été témoins de scènes horribles montrant des villes et des villages ukrainiens détruits de même que d’innocents Ukrainiens être ciblés par l’armée russe.

Honorables sénateurs, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a forcé presque 8 millions de personnes à quitter leur foyer : parmi elles, près de 7 millions ont maintenant été forcés de quitter leur pays. Malheureusement, ce nombre continue d’augmenter.

Je conviens certainement que nous ne pouvons pas ignorer cette catastrophe humanitaire.

Nous avons tous vu des reportages troublants sur les atrocités commises par l’armée russe à l’endroit des civils ukrainiens. Je sais que les images de ces actes ont choqué tous les sénateurs qui les ont vues.

Compte tenu de ces reportages, je partage complètement l’opinion du gouvernement que les gens qui appuient activement le régime de Poutine ne doivent pas être mis à l’abri des conséquences de leurs gestes.

Puisque le Canada a infligé des sanctions aux particuliers qui font partie du régime russe ou l’appuient, je conviens qu’il est logique d’étendre la portée des dispositions de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés pour y inclure tous les motifs énoncés dans la Loi sur les mesures économiques spéciales afin que tous les étrangers sanctionnés soient interdits de territoire au Canada. Cela veut dire qu’ils ne pourront pas entrer au Canada, sauf s’ils font une demande d’asile aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

À cet égard, je souligne que le ministre de la Sécurité publique a pris soin d’indiquer ceci :

Les étrangers qui sont interdits de territoire au Canada en raison de sanctions pourront tout de même faire examiner une demande d’asile par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, et auront accès à un examen complet des risques avant renvoi.

On conviendra volontiers que si des personnes visées par ces sanctions se sont, par exemple, retournées contre le régime de Poutine avant d’arriver à un point d’entrée au Canada, il serait avisé de faire preuve de souplesse concernant leur interdiction de territoire. Toutefois, je crains que — comme c’est bien souvent le cas — les prétendues « mesures sévères » présentées par le gouvernement dans ce projet de loi ne soient en fait pas aussi sévères qu’elles le semblent.

Je reconnais qu’il existe une jurisprudence qui permet littéralement à n’importe qui de présenter une demande d’asile à un point d’entrée du Canada, et je crains que certains n’en abusent inévitablement, en se frayant un chemin dans cette brèche pour entrer au pays. De tels individus pourraient alors exploiter la lenteur de notre système judiciaire pour rester au Canada pendant longtemps.

En dehors de cette mise en garde, je conviens toutefois que le projet de loi que nous avons sous les yeux constitue au moins un autre outil dont nous pourrons nous servir pour sanctionner les sympathisants du régime de Poutine qui soutiennent effectivement ses gestes odieux.

Je trouve très encourageant de voir la grande portée des mesures que nous allons enfin adopter à l’issue du processus parlementaire.

Par exemple, il y a à peine quelques semaines, j’ai eu le privilège de prendre la parole au sujet du projet de loi de la sénatrice Omidvar, le projet de loi S-217, qui permettrait la réaffectation des actifs des personnes et des entités sanctionnées en lien avec des actes criminels — tels que l’invasion préméditée, injuste et non provoquée de l’Ukraine par la Russie — afin d’aider, possiblement, les victimes de tels actes.

J’estime que de telles mesures peuvent avoir une grande incidence si on les applique correctement et que l’on colmate autant que possible les échappatoires, surtout si on les applique conjointement avec des mesures semblables prises par des États aux vues similaires.

À propos, la professeure Brooke Harrington écrivait récemment dans le magazine The Atlantic que certains des oligarques les plus connus de la Russie — des personnes que la professeure Harrington décrit comme étant « des hommes d’affaires ayant, pour la plupart, fait fortune grâce à leurs liens avec l’État » — demandent maintenant que l’on mette fin à la guerre.

La professeure Harrington précise que l’industriel milliardaire Oleg Deripaska ainsi que Mikhail Fridman, fondateur de la plus grande banque privée de la Russie, réclament tous deux la fin de la guerre de Poutine.

Selon la professeure, ces appels découlent directement du fait que les oligarques eux-mêmes sont ciblés pour le soutien qu’ils fournissent au régime russe actuel.

Je crois que nous devons espérer que, à long terme, l’impact de ces divisions qui émergent au sein de l’élite russe commencera à se faire sentir.

J’aurais simplement souhaité que, collectivement, l’Occident intervienne de manière plus efficace et proactive avant que le conflit entre la Russie et l’Ukraine n’éclate en février dernier et ne donne lieu à la situation actuelle.

(1520)

Ce qui me désole au sujet de l’Ukraine, c’est que les mesures que nous avons prises sont toujours arrivées en retard. Il ne faut pas oublier que l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine a réellement commencé en 2014, lorsque la Crimée a été prise à l’Ukraine dans l’irrespect complet du droit international.

Si je crois que le gouvernement précédent a fait de son mieux pour répondre de façon décisive à cette invasion — par exemple, en menant la charge pour l’expulsion de la Russie du G8 —, la réponse collective de l’Occident n’a pas été efficace, et c’est là où le bât blesse.

Nous hésitons souvent à répondre fermement aux événements qui ne font pas la manchette de façon soutenue. Une fois qu’on cesse d’en parler, notre intérêt s’estompe. Nous le constatons encore aujourd’hui avec notre réponse tout à fait inefficace au génocide perpétré dans la région du Xinjiang, en Chine, et aux menaces proférées par le gouvernement chinois à l’endroit de Taïwan. Ce sont deux événements qui ne font pas la manchette au quotidien. Il y a peu d’images des camps de concentration chinois, alors notre réponse est limitée et vouée à l’inefficacité.

En ce qui concerne la Chine, ses menaces à l’endroit de Taïwan, le génocide qu’elle mène et son soutien continu à la Russie, le gouvernement canadien a beaucoup de retard sur ses alliés quant à une réponse décisive à cette menace croissante. Je voudrais que le pays aille plus loin qu’étaler sa vertu lorsqu’une crise survient et qu’il agisse avant qu’il soit trop tard. En tant que pays, nous devons nous doter d’une politique internationale plus stratégique, plus décisive et plus efficace.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui est une mesure réactive. Vu la menace à laquelle nous sommes confrontés en Ukraine, j’appuie cette mesure pour ce qu’elle est et je conviens qu’elle est nécessaire. Cependant, à l’avenir, je demanderais au gouvernement — et à nous tous, en cette enceinte — de faire mieux.

À mon avis, dans l’environnement mondial plus menaçant d’aujourd’hui, il est maintenant impératif pour la sécurité nationale de tous de faire mieux. J’invite tous les honorables sénateurs à renvoyer le projet de loi au comité aussitôt que possible, pour que le Parlement puisse l’adopter rapidement.

J’ignore si le sénateur Harder et moi avons déjà été sanctionnés par les Russes, mais je parie que nous le serons maintenant.

Merci, chers collègues. Renvoyons ce projet de loi au comité.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.)

[Français]

Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Projet de loi modificatif—Motion tendant à autoriser le Comité des transports et des communications à étudier la teneur du projet de loi—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Gagné,

Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, déposé à la Chambre des communes le 2 février 2022, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est alors ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, je dois avouer que j’étais perplexe et que je me suis demandé si j’allais prendre la parole aujourd’hui, après avoir constaté l’objectif tout à fait dilatoire de ce débat. Cependant, je crois qu’il est important d’expliquer aux Canadiens pourquoi une étude préalable de ce projet de loi est pertinente dans le présent contexte.

Mon intervention portera sur le principe de cette étude préalable et sur son importance pour nos travaux relatifs à ce projet de loi.

Certaines des objections soulevées hier lors du débat m’ont particulièrement interloquée. Alors que le Sénat se targue, avec raison, de consacrer plus de temps que la Chambre des communes à l’examen des projets de loi, alors que nous nous enorgueillissons aussi, avec raison, d’offrir un plus grand nombre d’heures et un plus grand nombre d’occasions aux Canadiens de porter leur voix, de témoigner au sein de leurs comités et de partager leur expertise avec nous, dans notre second examen attentif, voilà maintenant que nous passons des heures à débattre de la pertinence de faire une étude préalable sur un projet de loi complexe, un projet de loi qui a fait, a fortiori, l’objet de désinformation.

Si, historiquement, les études préalables qui ont été effectuées par les comités du Sénat ont été principalement réservées aux projets de loi omnibus, dont les projets de loi liés aux budgets, 42 % de ces études préalables ont porté sur des questions non budgétaires au cours des 30 dernières années.

Je reviendrai rapidement sur les études préalables, mais permettez-moi cependant de vous faire part de mon étonnement devant certaines questions qui ont été posées hier au représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold, et qui portaient sur le dépôt au Sénat de projets de loi du gouvernement, les projets de loi « S », dont le projet de loi S-8 que nous venons tout juste d’étudier.

Voici la question que mon estimé collègue le sénateur Carignan a posée hier — je le dis en français et je le cite :

[...] le travail du Sénat et des sénateurs n’est pas de faire un second examen objectif de mesures présentées par des fonctionnaires, mais bien d’étudier les projets de loi adoptés à la Chambre des communes [...]

Cela veut-il dire que le Sénat ne devrait dorénavant plus étudier directement les projets de loi du gouvernement, comme il l’a fait à différentes reprises? Oui, je suis interloquée, honorables sénateurs.

Lors de la deuxième session de la 41e législature, le leader du gouvernement conservateur au Sénat, le sénateur Carignan — et il en atteste —, avait lui-même déposé six de ces projets de loi gouvernementaux, dont j’ai la liste. Allait-il alors à l’encontre du rôle du Sénat? Poser la question, c’est y répondre.

Je reviens donc aux études préalables. J’ai également remarqué qu’au cours de la deuxième session de la 41e législature — session qui a duré moins de 20 mois —, 10 études préalables ont été effectuées par le Sénat, dont 4 seulement portaient sur des projets de loi budgétaires. Il faut donc en conclure que la majorité de ces études préalables, soit 6 sur 10, portaient sur des projets de loi non budgétaires. J’en ai aussi la liste. Ce qui est bon pour un gouvernement n’est-il pas également bon pour un autre?

Honorables sénateurs, bien que l’histoire de notre institution doive nous inspirer, elle ne doit pas nous limiter. Le Sénat est maître de son destin. Je pense que le recours à des études préalables, permettant de mieux soutenir l’examen de projets de loi gouvernementaux complexes et de mieux organiser nos propres travaux parlementaires durant des périodes stratégiques, comme avant un ajournement pour l’été, est une utilisation judicieuse de notre temps et de nos ressources.

[Traduction]

Je sais que certains craignent que le projet de loi C-11 soit amendé avant d’être présenté au Sénat, ce qui, de l’avis de certains collègues, ferait de ces études préalables une perte de temps pour le Sénat et ses comités. Cependant, je n’arrive pas à la même conclusion.

Je crois, au contraire, que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications pourrait s’assurer de convoquer des témoins clés qui viendraient lui faire part de leur expertise sur le fond et les principes sous-jacents de ce projet de loi, lesquels ne seront pas modifiés par de futurs amendements.

Ces études préalables pourraient mettre en lumière les principales propositions de politiques et les enjeux associés à ces projets de loi complexes, qu’il soit question de celui-ci ou du projet de loi C-13. Cela nous permettrait d’être prêts à agir efficacement en temps opportun.

Il convient également de noter qu’une étude préalable n’exclut pas une étude. Il incombera aux membres du comité de faire ces recommandations ou observations au Sénat à la fin de leurs travaux et à la suite des modifications apportées au projet de loi. De plus, le fait qu’un ou deux comités effectuent une étude préalable n’empêche pas les nombreux autres comités du Sénat d’effectuer des études de fond et des enquêtes.

Les études préalables permettent de mieux organiser notre travail en temps utile. De plus, elles sont efficaces pour éviter le recours à l’attribution de temps et, si nous sommes bien organisés, rien ne justifie qu’un gouvernement recoure à un tel outil. Néanmoins, si le gouvernement recourait à l’attribution de temps en dépit de nos efforts, nous devrions alors agir en conséquence.

Certains d’entre nous soutiendront également que les études préalables ne sont pas nécessaires, car nous ne sommes ni à la veille d’une élection ni à la fin d’une session parlementaire. Cependant, ces arguments ne nous empêchent pas d’être proactifs.

(1530)

Le projet de loi C-11 est une priorité du gouvernement. Il figurait dans le programme électoral du gouvernement, comme nous le savons, et se trouve à l’autre endroit depuis la dernière législature.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-11 a été présenté à la Chambre il y a quatre mois. Dans sa forme précédente, le projet de loi C-11, qui était alors le projet de loi C-10, avait même franchi l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes et nous avait été transmis à la toute fin de la deuxième session de la quarante-troisième législature. Nous nous acquittons donc de notre rôle en étant adéquatement préparés lorsque le projet de loi C-11 arrivera dans cette enceinte. Je crois que la façon la plus efficace de le faire est de réaliser une étude préalable en comité.

Il y a un autre argument très simple en faveur de ces études préalables. Nous avons actuellement le temps et les ressources nécessaires pour leur réalisation. Peu de projets de loi du gouvernement figurent dans notre programme législatif, et les deux comités visés par ces motions — la présente motion et celle concernant le projet de loi C-13 — n’ont aucune affaire gouvernementale à leur ordre du jour. Alors, pourquoi retarder ce travail?

À mon avis, il n’y a aucune raison de le faire, et les Canadiens auraient raison de nous reprocher un grave manquement à nos responsabilités si nous n’étudions pas au préalable les projets de loi C-11 et C-13.

Chers collègues, nous devons mettre de l’ordre dans notre façon de fonctionner et agir de façon responsable. Nous dépensons du temps et de l’énergie dans un débat qui serait beaucoup plus pertinent s’il portait sur le fond de ce projet de loi. Ne perdons pas notre temps à nous quereller, utilisons-le plutôt à bon escient. Merci, meegwetch.

[Français]

L’honorable Claude Carignan : La sénatrice Saint-Germain accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Saint-Germain : Certainement, monsieur l’ex‑leader du gouvernement au Sénat.

Le sénateur Carignan : Comme vous avez fait un historique des projets de loi du gouvernement qui ont été déposés au Sénat, avez-vous réalisé également que, au cours de la présente session, le Sénat traite plus de projets de loi à l’étape du premier examen qu’à l’étape du deuxième examen? Nous avons actuellement plus de projets de loi à étudier au moyen d’une étude préalable que dans le cadre d’un second examen objectif. Avez-vous fait le calcul?

La sénatrice Saint-Germain : Merci de la question, sénateur Carignan.

Je pense qu’un examen de notre part sous forme d’étude préalable est fait aussi avec sérieux. Il faut reconnaître que, depuis plus de deux ans, nous sommes en période pandémique, ce qui a dû influencer les décisions, la législation du gouvernement, les travaux de la Chambre des communes et les travaux de notre propre Chambre. Je considère que cette période pandémique est exceptionnelle et qu’il est difficile de faire des comparaisons avec le fonctionnement normal et habituel des deux Chambres du Parlement au cours des dernières décennies.

Le sénateur Carignan : Ne craignez-vous pas que l’exception devienne la règle?

La sénatrice Saint-Germain : Non.

[Traduction]

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénatrice Saint-Germain, hier, notre collègue le sénateur Carignan a laissé entendre que la tâche du Sénat n’est pas d’exercer un second examen objectif sur des mesures présentées par des employés de la fonction publique, mais d’examiner les projets de loi adoptés à la Chambre des communes. Je me demande si vous êtes au courant que, le 1er avril 2014, le sénateur Carignan, qui était alors leader du gouvernement — en collaboration avec notre collègue la sénatrice Martin, qui était alors leader adjointe —, a présenté une motion du gouvernement pour demander une étude préalable de l’ancien projet de loi C-23, connu sous le nom de la Loi sur l’intégrité des élections, et qu’il avait ensuite, le même jour, donné préavis d’une attribution de temps pour restreindre le débat sur la nécessité d’une étude préalable.

À cette même date, lors de la période des questions, on avait demandé au sénateur Carignan de se prononcer sur l’étude préalable du projet de loi C-23, et il avait répondu ceci :

Comme je le dis souvent, étudier davantage ne veut pas dire étudier moins, et avoir la chance d’étudier de façon parallèle, en même temps que la Chambre des communes, ne nous empêchera pas de procéder à une deuxième réflexion par la suite, lorsque le projet de loi sera adopté à la Chambre des communes et transmis au Sénat. Donc, il vaut mieux 100 fois se remettre sur le métier, comme on dirait. Si on a la chance d’étudier deux fois le projet de loi, c’est encore mieux.

Par conséquent, sénatrice Saint-Germain, considérez-vous également que les études préalables du Sénat donnent la possibilité au Sénat de bien exécuter leur devoir de second examen objectif et de débattre de manière à compléter le travail des élus à la Chambre des communes?

La sénatrice Saint-Germain : Merci de votre question, sénateur Gold. Je viens de consulter ma liste des études préalables, notamment celles qui avaient été présentées par le gouvernement à l’époque, et je vois le projet de loi C-23. Mon document est en français, alors je vais vous lire cet extrait en français :

[Français]

Il s’agit de la Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et modifiant certaines lois en conséquence, un projet de loi non budgétaire. Je vois que ce projet de loi a été déposé par le député Pierre Poilievre et qu’il a fait l’objet d’une étude préalable par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 8 avril 2014 et adopté à la Chambre des communes le 13 mai 2014.

[Traduction]

Cela me donne l’occasion, encore une fois, de faire cette observation : pourquoi est-ce une bonne chose lors d’une législature précise, pour un gouvernement précis, mais une mauvaise chose pour un autre gouvernement? Je pense que nous devons nous poser cette question et je répète que les études préalables sont pertinentes dans le cas de projets de loi complexes, alors je ne blâme pas du tout le gouvernement conservateur précédent. Cependant, ce que je déplore, c’est le manque de cohérence dont on fait preuve lorsqu’il s’agit d’évaluer la pertinence de mener une étude préalable et même de présenter un projet de loi d’initiative ministérielle au Sénat, alors que ce serait tellement pertinent. Ce ne l’est pas toujours. Il ne faut pas nécessairement que les études préalables deviennent la norme. J’en conviens, et je suis d’accord avec le sénateur Carignan à cet égard. Néanmoins, de toute évidence, dans le contexte actuel, j’estime qu’il ne fait aucun doute que le projet de loi C-11 et même le projet de loi C-13 méritent de faire l’objet d’une étude préalable.

L’honorable Denise Batters : Sénatrice Saint-Germain, je siégeais au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles lorsqu’il a fait une étude préalable au sujet de la Loi sur l’intégrité des élections. Je me demande si vous saviez que, lorsque nous avons mené cette étude préalable, le projet de loi était considérablement plus avancé à la Chambre des communes que ne l’est le projet de loi dont nous parlons maintenant, et que grâce à l’étude préalable du Sénat et au consensus établi au sein du comité, nous avons pu apporter des changements de fond au projet de loi et les suggérer au gouvernement, lequel a suivi nos conseils et modifié le projet de loi en conséquence. Le gouvernement a pu intégrer ces changements pendant le processus de la Chambre des communes, avant de renvoyer le projet de loi au Sénat.

Il s’agit d’un déroulement idéal pour une étude préalable. Il est idéal que les travaux soient déjà relativement avancés à la Chambre des communes, qu’il y ait une étude préalable au Sénat pendant laquelle nous faisons un travail précis et assurons un second examen objectif comme il se doit, puis que le gouvernement suive nos conseils, contrairement à ce qui s’est passé dans certains dossiers au cours des cinq dernières années, alors que le gouvernement Trudeau n’a pas suivi des conseils de fond que nous lui avons fourni après l’étude préalable de certains projets de loi.

La sénatrice Saint-Germain : Sénatrice Batters, je sais que la Loi sur l’intégrité des élections est l’un des 10 projets de loi qui ont fait l’objet d’études préalables en moins de 20 mois lorsque des gouvernements conservateurs étaient au pouvoir; je vois aussi le lien qui existe entre le projet de loi dont nous discutons et la Loi sur l’intégrité des élections. Je note avec intérêt que le second examen objectif des parlementaires non élus a été utile à la Chambre des élus. Il s’agit d’une exception intéressante puisque, pour les projets de loi de ce genre, je dirais que l’expertise et le contexte précis des députés jouent un rôle clé. Je crois donc que le gouvernement conservateur a pris une très bonne décision. Je vous félicite, vous et les autres sénateurs qui siégeaient avec vous au Comité des affaires juridiques, car vous avez fait un excellent travail, de toute évidence. Je suis heureuse que l’actuel gouvernement libéral l’ait lui-même reconnu. Merci de votre travail.

(1540)

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Sénatrice Saint-Germain, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Saint-Germain : Oui, sénateur.

Le sénateur Dalphond : Merci beaucoup pour ces informations très utiles. Je comprends de vos échanges précédents, y compris celui avec la sénatrice Batters, que, dans certains cas, une étude préalable a donné des résultats fort intéressants lors de l’étude subséquente du projet de loi, et cela, de deux façons.

Dans certains cas, le message envoyé par l’étude préalable a entraîné des amendements au projet de loi à la Chambre des communes. Un cas qui me vient à l’idée est l’exemple donné par la sénatrice Batters.

Dans le cas de l’aide médicale à mourir, il n’y a pas très longtemps de cela — il y a un an et demi ou deux ans —, le comité du Sénat a réalisé une étude préalable du projet de loi C-7 qui ne portait pas sur le contenu des détails techniques des articles, mais sur les grands principes et les orientations de l’élargissement de la loi.

À la suite de cette étude préalable, le comité a déposé un imposant rapport au Sénat qui, par la suite, a étudié le projet de loi à fond, fort des enseignements tirés de l’étude préalable menée par le comité. Le Sénat a ensuite proposé pas moins de cinq ou six amendements, dont plusieurs ont été adoptés par la Chambre des communes.

Une étude préalable ne signifie pas qu’il n’y aura pas d’étude approfondie par la suite. Je comprends que, pour le gouvernement, une étude préalable est peut-être un moyen de faire en sorte d’accélérer l’étude subséquente, mais il n’y a pas d’incompatibilité entre une étude préalable et une étude substantielle menée par la suite qui est enrichie de la première.

Je comprends également, de ce que disait la sénatrice Batters, que l’étude préalable permet même parfois d’enrichir le débat à la Chambre des communes; l’étude préalable peut donc avoir des conséquences positives.

Est-ce bien là ce que je comprends des échanges entre la sénatrice Batters et vous?

La sénatrice Saint-Germain : Merci, sénateur Dalphond, d’avoir fourni la réponse dans votre question. J’ajouterai, comme je l’ai indiqué dans mon discours, qu’une étude préalable en aucun cas ne prévient ni ne sert à remplacer une étude lorsque c’est nécessaire.

Souvent, l’étude préalable porte justement sur les questions de fond et des projets de loi complexes; vous avez donné l’exemple très important de l’aide médicale à mourir. Les Canadiens et les Canadiennes avaient des points de vue qui étaient tous justifiés sur une question morale, souvent l’objet de désinformation, qui méritait un éclairage qui allait au-delà des sentiers partisans.

La réponse est oui; une étude préalable permet des discussions approfondies sur des questions de principe et de fond, et permet d’enrichir ultérieurement une étude.

[Traduction]

L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet de la motion dont nous sommes saisis, qui autoriserait le Comité sénatorial permanent des transports et des communications à effectuer une étude préalable du projet de loi C-11. Mes commentaires aujourd’hui seront brefs.

Le projet de loi C-11, parfois appelé loi sur la diffusion continue en ligne, est un projet de loi substantiel qui remplacera essentiellement le cadre réglementaire dont nous disposons actuellement pour la radiodiffusion et l’appliquera à la diffusion en ligne. De nombreux intervenants et intérêts sont concernés, notamment les producteurs et créateurs culturels, les diffuseurs traditionnels de la télévision et de la radio, les diffuseurs en ligne, les plateformes de médias sociaux et bien d’autres.

Beaucoup d’entre nous se souviendront du prédécesseur de ce projet de loi, le projet de loi C-10. Ce projet de loi a été renvoyé au Comité du patrimoine canadien de la Chambre des communes pour étude préalable le 1er février et pour étude régulière le 19 février de l’année dernière. Ce comité a tenu 30 réunions avant de renvoyer le projet de loi à la Chambre pour une troisième lecture à la mi-juin.

Au cours de ces quatre mois, ce comité a entendu de nombreux témoins et proposé de nombreux amendements. Le processus a donné lieu à un important débat sur les enjeux, mais il a été conflictuel, désordonné et excessivement politique. En effet, des modifications importantes au projet de loi ont été introduites tard dans le processus, lors de l’examen article par article. Malheureusement, il était trop tard pour appeler des témoins représentant les intérêts qui seraient touchés de façon importante par ces modifications.

Ensuite, ce projet de loi nous a été renvoyé, il a franchi l’étape de la deuxième lecture et a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, le 29 juin dernier. Au comité, mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants et moi étions prêts à mener l’étude en comité pendant l’été, puisqu’on nous disait qu’il était urgent d’adopter le projet de loi, mais cette offre n’a pas été retenue. Par conséquent, le Sénat n’a fait aucun travail en comité sur ce projet de loi, qui est mort au Feuilleton lors du déclenchement des élections. Son successeur, le projet de loi C-11, a maintenant franchi l’étape de la deuxième lecture, et il vient d’être renvoyé au comité de l’autre endroit. Ce comité a tenu deux réunions cette semaine, mais il n’a toujours pas commencé à étudier le projet de loi C-11.

Nous sommes saisis d’une motion pour demander au comité sénatorial de faire une étude préalable de ce projet de loi. J’ai de sérieuses réserves à cet égard. Je suis d’avis qu’une étude préalable ne peut se substituer à une étude en bonne et due forme d’un projet de loi au Sénat. Dans les dernières semaines, des comités sénatoriaux ont fait une étude préalable de plusieurs projets de loi, dont les projets de loi S-6 et C-19.

J’ai pris part à certaines de ces délibérations, et j’aimerais faire quelques observations sur ce processus. Premièrement, les participants ont fait de l’excellent travail, y compris les présidents des comités. Les témoins ont présenté des arguments convaincants au sujet des projets de loi à l’étude, le personnel a travaillé fort, et les sénateurs ont posé des questions pertinentes.

Cependant, à mon avis, le processus s’est révélé insatisfaisant. Habituellement, les témoins du gouvernement présentent le projet de loi et répondent à des questions, puis d’autres témoins critiquent le projet de loi ou propose des modifications. Dans certains cas, leurs suggestions de changements ne peuvent pas être évaluées adéquatement. Nous nous posons les questions suivantes. S’agit-il de changements pratiques? Respectent-ils les objectifs du projet de loi? Sont-ils réalisables? S’agit-il de bonnes idées? De telles questions sont soulevées après les témoignages, mais elles demeurent souvent sans réponse dans le cadre de ce processus. C’est ce que j’ai observé. Souvent, des contraintes de temps s’appliquent, et c’est l’une des raisons pour lesquelles certaines de ces questions ne sont pas abordées. Dans d’autres cas, les modifications qui sont proposées par les témoins et qui semblent souhaitables ne peuvent pas devenir des amendements au projet de loi parce que ce n’est pas possible dans le cadre d’une étude préalable.

En ce qui concerne le projet de loi C-11, je crains que nous soyons condamnés à suivre ce processus inadéquat avec ses lacunes et que nous ne menions pas l’étude nécessaire pour cette mesure législative. Nous n’avons aucune garantie qu’une étude en bonne et due forme du comité suivra l’étude préalable. Avec le projet de loi C-11, le processus idéal, selon moi, serait de nous appuyer sur tous les renseignements accumulés par le comité de la Chambre des communes, ses travaux et son rapport.

Écoutons ses témoins, examinons les questions soulevées dans le cadre de son travail et étudions les arguments avancés, et ensuite nous verrons. Bien sûr, il se peut aussi que des amendements découlent du processus du côté de la Chambre, des amendements auxquels nous n’aurions pas accès lors d’une étude préalable et, donc, que nous ne pourrions pas étudier. Nous ne les recevrions pas à temps et, donc, nous ne pourrions pas nous pencher sur eux. Les sénateurs se rappelleront le projet de loi C-10, qui a subi des changements considérables très tard dans le processus de l’autre endroit.

Honorables sénateurs, au cours de la pandémie des dernières années, le nombre des séances du Sénat a été considérablement réduit, notre capacité d’examiner les projets de loi a été réduite pour ne permettre qu’un minimum d’examen d’un grand nombre de projets de loi, et nos travaux en comité ont été entravés. Je suis impatiente de revenir à un meilleur processus, plus minutieux, à l’avenir.

Au bout du compte, honorables collègues, en ce qui a trait au projet de loi C-11, je cherche à m’assurer qu’un processus normal d’étude en comité aura lieu. Même si nous procédons à une étude préalable, nous devons nous engager à ce que ce soit le cas. Si les comités sont effectivement maîtres de leur destin comme nous l’avons appris hier, je demanderais à nos collègues du comité de s’engager au cours des prochains jours à mener un examen approfondi du projet de loi.

(1550)

Ce n’est pas tout. On doit aussi nous rassurer que le comité aura le temps nécessaire pour faire son travail. Quand j’entends parler de l’urgence d’adopter un projet de loi, je ne peux m’empêcher de me demander si nous aurons vraiment le temps de l’examiner. Si on ne cesse pas de nous répéter qu’il est urgent de l’adopter, cela nous amène certes à nous demander si nous aurons le temps voulu.

Honorables sénateurs, nous devons bien faire les choses. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gold : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Dasko : Oui.

Le sénateur Gold : Merci.

Je souhaite rappeler aux sénateurs que la sénatrice Saint-Germain et moi avons clairement indiqué dans nos discours que l’étude préalable n’empêche pas la tenue de toutes les étapes de l’étude, qui sont à la discrétion du Sénat.

Néanmoins, sénatrice, j’aimerais faire remarquer qu’au cours des débats du Sénat sur le projet de loi C-10, le texte proposé a été vivement critiqué et, si je puis me permettre, il a fait l’objet d’énormément de mésinformation. Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi il serait inacceptable de procéder à une étude préalable sur le projet de loi C-11, alors que celui-ci vise en fait à répondre aux critiques sur la version précédente, le projet de loi C-10. La principale objection qui nous a été présentée — notamment dans votre intervention, pour laquelle je vous remercie —, c’est le manque de temps pour faire notre travail convenablement.

La motion présentée nous offre justement du temps, sans contraintes liées aux échéances et à la procédure.

Par conséquent, que l’on reçoive le projet de loi dès le premier jour de l’étude préalable ou deux semaines plus tard, nous aurons dans tous les cas pris de l’avance. Cette motion ne nous empêche pas de faire notre travail, y compris pour ce qui est des étapes suivant la réception du projet de loi. Je me demande alors si quelque chose m’a échappé.

La sénatrice Dasko : Merci, sénateur Gold. À mon avis, cette façon de faire est moins valable. À la lumière de ce que j’ai observé, ce processus donne l’impression de ne pas être rigoureux; il semble tronqué. De plus, il ne permet pas de présenter des amendements.

Bref, d’après ce que j’ai vu, j’estime qu’il laisse à désirer.

Je sais que vous avez donné certaines assurances en ce qui concerne les délais, mais du même coup, sénateur, vous avez parlé hier de nécessité impérative et des pressions exercées par divers groupes. Je comprends qu’il y a des pressions. Je vis à Toronto, et la communauté culturelle torontoise appuie vigoureusement cette mesure. Elle souhaite son adoption.

Toutefois, quand le mois de juin arrive — et il est à nos portes — nous ressentons toujours une certaine pression pour adopter des projets de loi. Je crains que cette étude préalable n’arrive à la fin juin et que les priorités ne soient alors bousculées. Ensuite, nous subirions des pressions pour adopter le projet de loi.

Dans le présent cas, je crains que nous nous engagions dans un processus qui ne nous permette pas d’examiner cette mesure comme j’estime qu’elle devrait l’être, particulièrement compte tenu des incertitudes à l’autre endroit et des répercussions qu’elles auront, ainsi que des types d’amendements et de modifications que les députés pourraient proposer. La dernière fois qu’une telle situation s’est produite, ce fut plutôt un gâchis. Vous vous rappelez peut-être ce qui s’est passé l’an dernier au comité de l’autre endroit et les innombrables amendements qui ont été présentés. Le Président de l’autre endroit les a rejetés et les députés ont dû se remettre au travail. Ce fut un véritable gâchis.

Voilà ma position. Cette étude préalable arrive à l’approche de la fin juin. Or, nous savons comment les choses se passent en juin. Vous avez vous-même affirmé qu’il est urgent d’adopter ce projet de loi, notamment à cause des diverses parties concernées. Compte tenu de tout cela, j’ai certaines réserves à l’égard de ce processus.

Voilà ce que j’avais à dire. Merci.

Le sénateur Gold : J’aurais une question complémentaire.

Tous les sénateurs le savent, par définition, les études préalables ne sont pas l’endroit où proposer des amendements. C’est intrinsèque à ces études. Or, sénatrice, comme il n’y a pas d’échéance pour la production d’un rapport, que le processus n’est pas tronqué et que l’étude préalable peut se poursuivre même après que le projet de loi nous ait été renvoyé — peut importe quand ce sera le cas —, ne pourrait-on pas affirmer, si on fait fi des soupçons et du calendrier, que, en tant que représentant du gouvernement, j’ai pris la parole et affirmé à de nombreuses reprises que je comprenais et que je respectais l’importance pour le Sénat de pouvoir faire son travail correctement?

La motion vise à accroître le temps que nous avons pour étudier les changements que le projet de loi C-11 apporte au projet de loi C-10, de façon à ce que, lorsque nous recevrons le projet de loi, le comité soit encore mieux préparé pour mener son étude. Encore une fois, c’est le Sénat qui déterminera par quelles étapes passera le projet de loi. Le comité décidera de la durée nécessaire de son étude et ainsi de suite.

Reconnaissez-vous, hormis d’éventuels soupçons, que cette mesure constitue en fait une approche raisonnable permettant au Sénat d’étudier une question de politique publique importante?

La sénatrice Dasko : Sénateur Gold, j’apprécie beaucoup vos observations. Je vous remercie d’avoir insisté sur la question du temps. C’est très important pour notre réflexion.

Pour revenir à l’observation que vous avez faite hier et que j’ai reprise dans mes propos d’aujourd’hui, à savoir que les comités sénatoriaux sont maîtres de leur destin, j’ai l’intention, au cours de la semaine prochaine, de communiquer avec mes collègues qui siègent à ce comité pour faire un sondage, en quelque sorte, de leurs opinions quant à l’importance d’avoir ce que je qualifierais de véritable processus d’examen par le biais de l’étude. Voilà ce que j’ai l’intention de faire. Ensuite, j’espère que nous pourrons avoir la certitude d’obtenir ce que nous souhaitons, à savoir un examen approfondi. Je vous remercie pour vos observations. Elles sont très appréciées.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Dasko, deux autres sénateurs souhaitent vous poser des questions et votre temps est écoulé. Demandez-vous cinq minutes supplémentaires pour y répondre?

La sénatrice Dasko : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La permission est-elle accordée?

Des voix : D’accord.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je vais m’inspirer de la façon de poser des questions du sénateur Dalphond et, manifestement, du sénateur Gold, en émettant une affirmation plutôt qu’une question. Je procéderai donc ainsi, sénatrice Dasko. Merci beaucoup pour votre discours.

Si nous adoptons cette motion, en toute logique, cela n’aura pas lieu avant le mardi 31 mai. De plus, le Comité des transports et des communications ne pourra manifestement pas se réunir, ne serait-ce que pour organiser ses travaux, avant le 1er juin, conformément à son créneau habituel. Cela nous laisse exactement quatre réunions, si nous nous rendons jusqu’à la toute fin de juin.

Je crois que vous avez dit qu’à l’autre endroit, il y a eu 30 réunions de comité pour cette mouture du projet de loi C-10. Le leader du gouvernement nous demande de procéder à une étude préalable et d’essayer d’accélérer les choses. Il dit qu’il n’y a pas de date limite pour le dépôt du rapport. Il ne devrait manifestement pas y en avoir, car nous n’aurons pas le temps de procéder à une étude préalable, à une étude régulière ou à quoi que ce soit sans que nous puissions faire preuve de la diligence raisonnable que mérite de toute évidence ce projet de loi. Nous n’avons aucune idée du moment où il nous sera renvoyé.

Je propose donc — je fais cela à la façon de votre collègue, sénatrice Gagné. Je l’encourage seulement à être d’accord avec moi. Convenez-vous, sénatrice Dasko, qu’il n’y a tout simplement pas assez de temps pour faire honneur ou rendre justice à ce projet de loi?

(1600)

La sénatrice Dasko : Oui, je pense que si nous regardons tous le calendrier, nous arriverons à cette conclusion. Je remercie le sénateur Gold de ses commentaires.

Pour ce qui est de l’absence de limite de temps, il est évident que cela nous conduirait à une autre saison, par exemple l’été. Je doute toutefois que nous siégions à ce moment-là, donc probablement en septembre. Cela semble logique, oui. Cela semble être un calendrier logique pour l’examen de ce projet de loi.

Je suis à peu près sûre que nous avons besoin de beaucoup plus de réunions que le nombre que vous venez de mentionner, soit quatre réunions. Je suis certaine que notre comité a besoin de plus de temps que cela pour examiner ce projet de loi. Merci.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j’aimerais remercier la sénatrice Dasko de ses observations. Je pose la question, car j’aimerais que quelqu’un me fournisse une réponse.

Le projet de loi C-11 porte sur des enjeux importants. Aucun gouvernement ne s’est penché sur ces enjeux depuis plus de 25 ans. Pourquoi sont-ils soudainement considérés comme relevant de l’intérêt public? Quelle est la raison qui justifie que le gouvernement ne nous ait pas présenté ce projet de loi au cours des sept dernières années? La dernière fois dont nous en avons entendu parler, avant aujourd’hui, était vers la fin de mai ou au début juin de l’année dernière. Nous avions en quelque sorte été contraints d’agir le plus rapidement possible.

Je conviens qu’il s’agit d’un dossier important. Nous sommes tous d’accord que ce projet de loi mérite un examen approfondi et des débats rigoureux. Quel serait l’intérêt pour le public de procéder de manière urgente, en franchissant toutes les étapes en seulement deux ou trois semaines, contre vents et marées?

La sénatrice Dasko : Je vous remercie, sénateur. Je ne suis pas la bonne personne pour répondre à votre question sur l’échéance appropriée du projet de loi. Je pense que vous devriez diriger votre question au représentant du gouvernement. Vous obtiendrez peut-être des renseignements plus pertinents.

Sénateur, je vous avise que je vais communiquer avec vous pour discuter de cette question dans les prochains jours. Alors, je vous remercie, et vous allez recevoir mon appel. Merci.

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Ma prise de position montrera que dans le même comité, deux sénatrices du Groupe des sénateurs indépendants ont des positions différentes. Non, je n’ai pas été « whipée », comme vous le dites, sénateur Plett. Je prends la parole pour me prononcer en faveur de la motion no 42 et appuyer la tenue d’une étude préalable du projet de loi C-11 par le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, dont je suis la vice-présidente.

La Loi sur la diffusion continue en ligne est cruciale pour l’avenir de la radiodiffusion dans un monde où de plus en plus de produits culturels se déplacent dans l’espace numérique, où les habitudes d’écoute et de visionnement changent à la vitesse grand V. Pour les Québécois et les francophones du pays, l’enjeu de ce projet de loi est notamment lié à l’espace que pourront occuper la musique et le cinéma francophones dans la diffusion en ligne. Il faut savoir que la musique francophone au Québec est encore protégée par des quotas d’environ 30 %, applicables aux radios, mais qu’en raison de la migration vers Spotify, YouTube et d’autres plateformes, la musique francophone ne constitue plus que 8 % des œuvres écoutées.

C’est donc un projet de loi capital, mais aussi complexe, car il engage beaucoup de parties prenantes.

[Traduction]

Revenons maintenant à la motion à l’étude, qui porte sur l’étude préalable du projet de loi.

Depuis mon arrivée au Sénat, la plainte que j’entends le plus souvent, c’est que nous ne disposons pas d’assez de temps pour étudier les projets de loi en profondeur. Je l’ai moi-même constaté, bien sûr, et c’est une situation qui m’exaspère. Le calendrier, les embouteillages de fin de session, les tactiques parlementaires, bref plusieurs facteurs viennent réduire le temps dont nous disposons pour étudier attentivement les mesures législatives.

Dans sa question, le sénateur Plett a dit que nous n’aurions que cinq séances réparties sur quatre semaines pour faire cette éventuelle étude préalable. Dans les faits, toutefois, si nous avions adopté la motion quand elle a été présentée mardi, nous aurions eu une semaine et demie de plus. Autrement dit, le temps que nous prenons pour débattre de la motion nous fait encore perdre du temps, ce qui me contrarie encore une fois.

C’est précisément à cause de ce contexte qu’une étude préalable du projet de loi C-11 serait particulièrement utile, selon moi.

Deux raisons m’amènent à le croire. Premièrement, une étude préalable nous donnerait plus de temps pour entendre des témoins importants, des experts aux points de vue différents, des groupes touchés par la mesure, et ainsi de suite; bref, pour comprendre les fondements de ce projet de loi crucial.

J’aimerais citer notre honorable collègue le sénateur Patterson qui, en février 2019, a appuyé en ces termes la tenue de l’étude préalable du projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones :

[...] je prends brièvement la parole aujourd’hui en faveur de la motion demandant une étude préalable du projet de loi C-91 [...] Ce projet de loi est d’une importance vitale. Compte tenu de la quantité croissante de mesures législatives dont nous sommes saisis, nous avons besoin de temps pour faire notre travail. Une étude préalable offre un moyen responsable de tirer parti du temps dont dispose le Comité des peuples autochtones en ce moment.

Je suis tout à fait d’accord.

Je sais que certains de mes collègues s’inquiètent de perdre leur temps à étudier un projet de loi qui pourrait être modifié en profondeur par la Chambre des communes. Je comprends ces préoccupations et je les partage en partie pour les aspects plus techniques de la loi.

Mais sur les questions de fond — sur les grandes orientations et les fondements politiques du projet de loi — les questions et les positions sont bien connues, et elles ne changeront pas.

À mon avis, le Comité des transports et des communications pourrait bénéficier d’une étude préalable pour connaître d’autres modèles de promotion culturelle dans le monde et pour entendre et comprendre les visions politiques et idéologiques qui s’affronteront inévitablement au sujet du projet de loi C-11.

Je sais que les membres du comité, moi y compris, bénéficieraient aussi d’assister à des présentations informatives sur les aspects technologiques des plateformes contemporaines; dans certains cas, des présentations très simples et intuitives. Ce genre de présentation me paraît d’autant plus pertinent dans le cadre d’une étude préalable et, si je peux faire une blague, d’autant plus pertinent pour notre groupe d’âge.

La deuxième raison pour laquelle une étude préalable me semble utile, c’est qu’elle ne devrait avoir aucune incidence sur la durée de l’étude officielle du projet de loi C-11 lorsqu’il sera adopté à l’autre endroit. Nous maintenons le contrôle de notre programme futur. Même si le gouvernement veut que nous adoptions son projet de loi rapidement, et c’est évident, ce sera à nous, le moment venu, de résister aux pressions si nous avons l’impression que nous n’avons pas le temps de bien faire notre travail. Il n’y a aucune élection ni prorogation en vue. Le projet de loi C-11 ne mourra pas au Feuilleton s’il est encore à l’étude après juin. En fait, une étude préalable nous donnera plus de temps pour étudier le projet de loi et comprendre son contexte, pas moins.

Je suis convaincue que nous disposons de tous les outils nécessaires pour résister à la pression d’adopter à la hâte ce projet de loi une fois l’étude préalable terminée. Je sais que, pour certains d’entre nous, les études préalables devraient seulement être acceptées dans de très rares circonstances, car le Sénat est un corps législatif, et non consultatif. Suivant cette logique, il devrait donc intervenir après la Chambre des communes, et non de façon simultanée.

En tout respect, j’estime que ce principe n’est pas convaincant dans le cas actuel. Une étude préalable du projet de loi C-11 nous permettrait tout simplement d’accomplir notre travail législatif avec plus d’expertise et une meilleure compréhension des questions et des technologies complexes qui sous-tendent le projet de loi. Rien ne nous empêche maintenant, ou plus tard, de prendre tout le temps nécessaire et d’user des pleins pouvoirs du Sénat pour débattre du projet de loi et l’améliorer à notre guise.

Traditionnellement, les études préalables étaient rares, mais les habitudes peuvent changer avec le temps. En ce moment même, le Sénat se penche sur le projet de loi C-5, une mesure législative importante à l’étude à l’autre endroit. J’appuie cette initiative, et je peux certainement confirmer que cela n’a pas diminué la qualité de notre travail. Bon nombre d’amendements sont à l’étude, comme nous l’avons constaté ce matin.

(1610)

Quoi qu’il en soit, je ne crois pas que nous devrions nous en tenir rigoureusement aux traditions. Ce serait particulièrement risqué pour le Sénat, une institution que certains jugent dépassée. Pour toutes ces raisons, je crois que nous devrions faire preuve de souplesse et voir l’étude préalable comme une occasion de consacrer plus de temps et d’expertise à nos obligations législatives. J’estime que c’est ce que l’étude préalable du projet de loi C-11 nous permettrait de faire.

Merci.

Le sénateur Housakos : La sénatrice Miville-Dechêne accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Miville-Dechêne : Bien sûr.

Le sénateur Housakos : Lorsqu’il s’agit d’études préalables, la tradition au Sénat a toujours été de procéder à une telle étude quand un projet de loi fait l’objet d’un consensus public ou qu’il existe un consensus à l’autre endroit voulant que le projet de loi en question doive être adopté rapidement pour protéger l’intérêt public.

À ce stade-ci, il s’avère que ce projet de loi est controversé et sans consensus. Il n’existe pas de consensus chez les intervenants. Ce projet de loi ne répond pas à une urgence, de toute évidence, étant donné que les gouvernements successifs n’ont pas encore réglé la question après plus de deux décennies. Par-dessus tout, ne convenez-vous pas, madame la sénatrice, que nous jouons un rôle de second examen objectif, qui ne consiste pas à nous engager dans ce qui deviendra invariablement un débat très acrimonieux sur cette question à l’autre endroit? Comme nous le savons, le comité de l’autre endroit n’a même pas encore commencé à débattre de la question.

Ne serait-il pas prudent de laisser la pression politique s’exercer à l’autre endroit pendant que nous procédons à notre second examen objectif? Rien dans votre discours n’indique qu’il y ait urgence d’y parvenir d’ici deux semaines, d’ici un mois ni même d’ici l’automne, d’ailleurs. Beaucoup de personnes m’ont dit que ce projet de loi exigeait un examen très attentif. N’en convenez-vous pas, madame la sénatrice?

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Non, je ne suis pas d’accord. Vous semblez croire que le processus actuel, qui fait en sorte qu’un projet de loi passe du temps à la Chambre des communes avant d’arriver au Sénat, est un processus qui n’a aucune faille et qui fonctionne très bien.

Cependant, l’an dernier, l’étude du projet de loi C-10 a bien montré les failles de ce système traditionnel que nous suivons. Pendant quatre mois, on a littéralement fait de l’obstruction environ la moitié du temps, soit pendant deux mois environ. Je faisais partie de ces gens qui attendaient et qui croyaient que le Sénat entreprendrait une étude préalable qui nous aurait aidés à mieux comprendre les enjeux liés au projet de loi, mais cela n’a pas été le cas.

Le système que nous avons n’est donc pas parfait. Il est possible de prendre une autre voie, comme dans le cas du projet de loi S-5. Je ne crois pas que ce projet de loi fait parfaitement consensus. Dans ce cas-ci, on a commencé l’étude au Sénat. Contrairement à vous, je trouve cela très intéressant de commencer à travailler sur des projets de loi, car cela nous permet d’avoir une vision des opinions qui s’affrontent dès le début d’un processus.

Je comprends bien que le fait d’entreprendre une étude préalable en même temps qu’une étude menée à la Chambre des communes, ce n’est pas tout à fait jouer notre rôle de second examen objectif. Toutefois, je ne vois pas en quoi cela amoindrit notre rôle et nous empêche de bien faire notre travail. Au contraire, je crois que passer du temps à faire une étude préalable, puis à étudier un sujet permet de mieux le comprendre. C’est une logique implacable.

L’honorable Renée Dupuis : Est-ce que la sénatrice Miville-Dechêne accepterait de répondre à une question?

La sénatrice Miville-Dechêne : Bien sûr, sénatrice Dupuis.

La sénatrice Dupuis : Je me demandais si une étude préalable ne serait pas une bonne occasion pour le comité de mener une opération que je qualifierais de « pédagogique ». C’est un projet de loi assez complexe, qui contient des éléments techniques et technologiques que la population en général ne déchiffre pas nécessairement facilement. Même pour nous, sénateurs, il peut être difficile à suivre. Ne serait-ce pas une bonne occasion de mener cette opération pédagogique? Est-ce qu’une étude préalable ne serait pas également une occasion de demander que le gouvernement rende des comptes sur les choix qu’il a faits dans ce projet de loi?

La sénatrice Miville-Dechêne : Bien sûr. On pourrait inviter des spécialistes de la technologie qui nous expliqueraient toute la question des algorithmes, qui nous diraient comment privilégier certaines options et quelles sont les façons de faire ou de ne pas faire. Dans ce cas-ci, le gouvernement a dit qu’il ne recourrait pas aux algorithmes. Pourquoi? Existe-t-il d’autres façons d’exercer une influence sur la présence de contenus, pour que les utilisateurs puissent voir du contenu canadien? Ce sont des questions très complexes que mon fils comprend beaucoup mieux que moi, car il est un grand amateur de Spotify; ce n’est pas mon cas.

Nous pourrions tout à fait jouer un rôle pédagogique et ces experts seraient à la disposition du Sénat. Nos audiences sont publiques. C’est très important, à une ère où la culture est virtuelle et où tout le travail relatif à la protection de la culture entre dans le monde virtuel, que l’on comprenne ce que l’on fait.

Je pense que vous avez raison de dire que le grand public — et moi la première — ne maîtrise pas toutes ces notions. Serait-il mal de faire cet examen préalable? Absolument pas. Plus on sait de choses, meilleurs on est et meilleures sont nos décisions.

L’honorable René Cormier : Est-ce que la sénatrice accepterait de répondre à une question?

La sénatrice Miville-Dechêne : Bien sûr, sénateur Cormier.

Le sénateur Cormier : Ma question sera brève. Êtes-vous d’accord pour dire que, s’il ne semble pas y avoir de consensus au Parlement en ce qui concerne ce projet de loi, un consensus assez important règne dans le secteur culturel canadien, comme nous l’avons entendu lors du sommet de la culture? En effet, les artistes ont réclamé que ce projet de loi soit étudié le plus rapidement possible, puisqu’il aura un impact sur la qualité de vie des artistes et sur leur capacité à faire découvrir leurs œuvres.

La sénatrice Miville-Dechêne : Certainement, et je les ai entendus également. Je n’ai pas assisté au même sommet que vous, mais bien sûr, quand on sait à quel point la musique et d’autres produits culturels sont centraux dans la culture francophone minoritaire, on ne peut qu’être conscient de l’importance de la question.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Votre temps de parole est écoulé, madame la sénatrice. Le sénateur Housakos aimerait vous poser une question. Souhaitez-vous demander cinq minutes de plus?

La sénatrice Miville-Dechêne : Oui. Puis-je avoir cinq minutes de plus, avec le consentement de la Chambre?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avons-nous le consentement? Vous pouvez poursuivre.

La sénatrice Miville-Dechêne : En effet, le milieu culturel veut voir un dénouement rapide. Soyons francs, il y a eu des erreurs de la part du gouvernement.

Après l’élection de 2015, le gouvernement avait beaucoup de difficulté à admettre et à comprendre qu’il fallait intervenir dans ce domaine, et il disait qu’il allait conclure des ententes et régler la question à l’amiable. Or, le gouvernement Trudeau a effectivement pris du retard dans ce domaine, et cela lui appartient.

Cependant, à partir du moment où le projet de loi C-10 a été déposé, il y a eu des débats, mais aussi des tactiques dilatoires; beaucoup de temps s’est écoulé. Évidemment, plus le temps passe, plus les habitudes d’écoute se cristallisent et plus les jeunes se demandent pourquoi ils devraient écouter de la musique francophone, car ils considèrent que Spotify est un bon outil. Comme je le répète souvent, l’utilisateur n’est pas libre. Ce que l’on présente à cet utilisateur francophone, ce sont des contenus anglophones. Donc, c’est forcément un cercle vicieux et on finit par écouter de la musique anglophone, parce que c’est avec cette musique qu’on nous nourrit; c’est la même chose avec YouTube.

(1620)

Le sénateur Housakos : Sénatrice Miville-Dechêne, êtes-vous d’accord avec moi pour dire que si l’adoption de ce projet de loi est retardée, cela n’a rien à voir avec le processus parlementaire, mais plutôt avec le fait qu’il ne s’agit pas d’une priorité pour ce gouvernement?

J’ai une autre question : si je suis votre raisonnement sur une potentielle étude préalable sur le projet de loi C-11, est-ce qu’on peut utiliser ce même raisonnement pour faire un examen préalable de tous les projets de loi du gouvernement qui émanent de l’autre endroit? Sinon, quelle est la différence, et qu’est-ce qui fait que le projet de loi C-11 est si urgent comparativement aux autres projets de loi, au point de devoir en faire une étude préalable tout de suite, trois à quatre semaines avant la fin de la session parlementaire?

La sénatrice Miville-Dechêne : D’abord, votre connexion Internet n’est pas très bonne, donc j’ai manqué plusieurs éléments de ce que vous avez dit. Cela dit, il n’y a pas de vérité absolue quant au moment où nous avons besoin de faire une étude ou une étude préalable. Vous n’arrêtez pas de dire que nous sommes à quatre semaines de la fin.

J’avoue trouver cela absolument incroyable qu’au Sénat, on commence dès le mois de mai à dire que nous n’avons plus le temps de faire des choses. Je vous avoue que cela ne correspond pas à mon ancienne vie de journaliste, où l’on prend tout le temps qui est à notre disposition pour arriver à faire quelque chose. Je sais que la politique est différente, j’en suis consciente, mais pour moi, c’est assez préoccupant d’entendre dire : « Eh bien non, il ne nous reste plus de temps. » On va discuter du fait qu’il ne nous reste plus de temps sans faire ce qu’il faut faire. C’est paradoxal.

Je ne dis pas qu’il faut faire une étude préalable sur tout. Nous ne sommes pas, comme l’a dit la sénatrice Saint-Germain, tout à fait revenus à la normale. Nous n’avons pas assez de temps en comité. D’ailleurs, j’imagine que cela a un impact sur le rythme de nos travaux. Je suis convaincue qu’il faut probablement faire des études préalables pour des projets de loi plus importants, plus complexes et, dans ce cas-ci, controversés. Il est évident qu’il y aura encore de la controverse.

Je suis assez convaincue de la chose, mais je comprends, sénateur Housakos, que vous n’êtes pas du même avis que moi. Nous allons pouvoir en débattre à notre comité et tenter de recevoir de bons témoins pour répondre à nos questions.

Le sénateur Carignan : Sénatrice, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Miville-Dechêne : Oui.

Le sénateur Carignan : Dans votre autre vie, avez-vous déjà vécu des problèmes de traduction, qui ont fait en sorte que vous pouviez vous réunir seulement une fois par semaine au lieu de deux, ce qui coupait en deux votre capacité de faire votre travail?

La sénatrice Miville-Dechêne : Justement, c’est pour cela que je vous dis que, dans ce cas-ci, si nous voulons faire faire une étude préalable, plutôt que d’en discuter, il serait urgent de la faire. En continuant d’en discuter et en votant la semaine prochaine, on élimine 10 jours de travail potentiel.

Non, je n’ai pas connu le même problème, et je n’aurais probablement pas dû comparer le travail journalistique au travail politique. Le problème, par contre, c’est cette idée de prendre tout le temps disponible pour faire quelque chose, plutôt que de simplement parler des délais et dire que nous n’avons pas assez de temps.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada

Projet de loi modificatif—Motion tendant à autoriser le Comité des langues officielles à étudier la teneur du projet de loi—Ajournement du débat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 17 mai 2022, propose :

Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois, déposé à la Chambre des communes le 1er mars 2022, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est alors ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

 — Honorables sénateurs, nous sommes encore une fois plongés dans cette période occupée de l’année où nous tentons tous de concilier des priorités concurrentes tout en veillant à continuer de faire preuve de diligence raisonnable. Sans répéter les observations que le sénateur Gold a faites au Sénat, je veux néanmoins reprendre brièvement son argument expliquant pourquoi nous devons adopter ces motions sur les deux études préalables.

Chers collègues, une étude préalable nous donne l’occasion de maximiser notre temps et d’examiner de façon adéquate et exhaustive le programme parlementaire du gouvernement. Elle nous donne la marge de manœuvre pour faire notre meilleur travail. Les études sur des mesures législatives du gouvernement, comme le projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation, et le projet de loi C-19, la loi d’exécution du budget, lesquels ont nécessité les ressources de plusieurs comités, tirent à leur fin. Cette motion permettra aux comités d’occuper le nouvel espace qui sera dégagé.

Pour des raisons évidentes, depuis deux ans, les travaux du Sénat ont été mis de côté. L’adoption des motions du gouvernement, qui permettraient des études préalables, est un moyen modeste pour nous de faire progresser le travail important que les Canadiens attendent de nous.

[Français]

Honorables sénatrices et sénateurs, permettez-moi d’expliquer brièvement pourquoi nous devrions autoriser le Comité sénatorial permanent des langues officielles à mener une étude préalable sur le projet de loi C-13. Comme vous le savez fort bien, durant la 42e législature, le Comité des langues officielles a produit pas moins de cinq rapports sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Le comité a consulté de jeunes Canadiennes et Canadiens, des membres des communautés de langue officielle en situation minoritaire, des témoins de l’évolution de la loi, ainsi que des représentants du secteur de la justice et des institutions fédérales.

Les 20 recommandations pratiques formulées dans le rapport visaient à corriger le tir associé à la mise en œuvre de la loi sous les thèmes suivants : le leadership et la collaboration, la conformité, les principes d’application et le bilinguisme judiciaire. Au total, d’avril 2017 à avril 2019, ce sont plus de 300 témoignages et 72 mémoires et suivis qui ont alimenté la réflexion du Comité sénatorial permanent des langues officielles sur les mesures à prendre pour moderniser la loi.

À vrai dire, le contenu du projet de loi C-13 — et de son prédécesseur, le projet de loi C-32 — reflète en grande partie le travail du Comité des langues officielles. Il est à noter également que le projet de loi C-13 répond en bonne partie à la plupart des recommandations du Comité sénatorial permanent des langues officielles, qu’il a énoncées dans son rapport final.

Les membres de ce comité possèdent une expertise impressionnante, et, en faisant une étude préalable du contenu qui a déjà été examiné, ils seront mieux à même d’orienter le gouvernement. N’oublions pas que la Loi sur les langues officielles a été adoptée en 1969, il y a plus de 50 ans, et qu’elle n’a pas été révisée de façon substantielle depuis plus de 30 ans. La société a énormément évolué depuis; la réalité est plus complexe et les lois linguistiques doivent mieux refléter cette évolution. Une étude préalable nous laissera le temps dont nous avons besoin pour étudier le contenu du projet de loi comme il se doit.

À la suite de l’ordre de renvoi adopté par le Sénat le 10 février dernier, le Comité sénatorial permanent des langues officielles a entrepris une étude sur l’immigration francophone en milieu minoritaire afin d’examiner l’appui du gouvernement fédéral au secteur de l’immigration. Puisque le projet de loi C-13 comporte des éléments essentiels relatifs à l’immigration francophone dans le but de favoriser l’épanouissement des minorités francophones du Canada, il est à l’avant-plan des échanges entre les témoins et les membres du comité.

Nous effectuons, en pratique, un travail préliminaire sur ce projet de loi dans le cadre de notre étude. Il est aussi important de souligner que les témoins, ainsi que les porte-parole des communautés de langue officielle en situation minoritaire, souhaitent ardemment que ce projet de loi soit étudié et adopté dans un délai convenable, afin que le gouvernement puisse adopter une politique d’immigration et procéder à l’élaboration de règlements pour la partie VII et d’un plan d’action pluriannuel en matière de langues officielles.

[Traduction]

Enfin, j’aimerais rappeler aux sénateurs que l’ordre de renvoi général du Comité des langues officielles prévoit ce qui suit :

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, l’application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi [...]

L’ordre de renvoi indique ensuite ceci :

Que le comité soit aussi autorisé à étudier les rapports et documents produits par le ministre du Patrimoine canadien, la ministre du Développement économique et des Langues officielles, le président du Conseil du Trésor et le commissaire aux langues officielles, ainsi que toute autre matière concernant les langues officielles [...]

Par conséquent, l’étude préalable du projet de loi C-13 est conforme à cet ordre de renvoi.

Merci. Meegwetch.

(1630)

Des voix : Bravo!

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénatrice Gagné, merci de vos observations. Pourriez-vous nous dire où en est l’étude du projet de loi à l’autre endroit en ce moment?

La sénatrice Gagné : Il n’a pas encore été renvoyé au comité.

Le sénateur Plett : Donc nous savons où l’étude n’est pas rendue, mais, évidemment, ce que j’aimerais savoir, c’est où elle en est. Jusqu’à présent, la Chambre a consacré trois jours de débat à l’étape de la deuxième lecture de ce projet de loi, soit les 1er, 6 et 12 avril, et nous ignorons quand elle en poursuivra l’étude. Donc elle n’a pas encore envisagé de le mettre aux voix et de le renvoyer au comité. Au moins, le projet de loi C-11 a déjà franchi cette étape, quoique même dans ce cas, c’est loin d’être suffisant.

Quoi qu’il en soit, dans ce cas-ci, le projet de loi n’est même pas rendu à l’étape de l’étude en comité. Il n’a pas été renvoyé au comité et encore moins fait l’objet d’une étude par un comité. Encore une fois, nous mettrions la charrue avant les bœufs en étudiant un projet de loi alors que nous n’avons aucune idée de la date à laquelle nous le recevrons ni aucune idée de la forme qu’il prendra, car il pourrait fort bien être amendé. En fait, nous n’avons même aucune idée de la date à laquelle il sera renvoyé au comité.

Sénatrice Gagné, ne pensez-vous pas que le gouvernement aurait intérêt à revoir ses priorités à l’autre endroit plutôt que de se mêler des priorités du Sénat? Qu’il mette de l’ordre dans ses affaires. C’est lui qui détermine le programme. Encore une fois, ce projet de loi n’est pas une récente addition de la part du gouvernement. Tout comme le projet de loi C-11, il a été promis et présenté il y a longtemps. Or, voilà qu’on nous demande, une fois de plus, de procéder à l’étude d’un projet de loi alors que nos comités disposent d’un nombre d’heures limité pour faire leur travail et que nous n’avons aucune idée à quoi ressemblera le projet de loi lorsqu’il finira par nous parvenir.

[Français]

La sénatrice Gagné : Je vous remercie de la question, sénateur.

Vous savez, je crois que le Sénat doit prendre sa décision par rapport à l’importance de son étude préalable, malgré le fait que le projet de loi se trouve toujours à l’étape de la deuxième lecture.

Je crois que c’est une raison de plus pour effectuer une étude préalable, justement dans le but de guider le gouvernement et de l’orienter dans son analyse. Nous, en tant que sénateurs, avons réellement une responsabilité envers les minorités, y compris les minorités linguistiques. Nous sommes très bien outillés pour mener cet examen préalable, après une longue étude qui a duré deux ans, et pour étudier et évaluer les différences entre nos recommandations et le projet de loi qui a été déposé se trouve maintenant à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre.

L’honorable René Cormier : Seriez-vous d’accord avec moi pour dire que le Sénat est maître de ses travaux? D’une part, selon le Règlement du Sénat — on peut lire ce qui suit sur le site Parlinfo, et je cite :

Le Règlement du Sénat permet à celui-ci d’examiner la teneur d’un projet de loi avant que ce texte n’ait été adopté par la Chambre des communes. Le projet de loi doit avoir franchi l’étape de la première lecture à la Chambre des communes, sans que celle-ci ne l’ait encore adopté et, donc, il n’a pas encore été présenté au Sénat.

Dans un contexte où l’on étudie une loi quasi constitutionnelle sur laquelle le Comité sénatorial permanent des langues officielles a travaillé depuis si longtemps — une étude qui nous a permis de constater la complexité de cette loi constitutionnelle —, seriez-vous d’accord avec moi, sénatrice Gagné, pour dire qu’une étude préalable est, dans ce cas-ci, tout à fait à propos dans le contexte qui est le nôtre?

La sénatrice Gagné : Je suis tout à fait d’accord. Je crois aussi que, dans un contexte où nous avons un projet de loi qui est fort complexe, de même qu’une loi quasi constitutionnelle qui n’a pas été révisée depuis plus d’une trentaine d’années, et aussi avec l’expérience et le contenu qu’on a pu recueillir de la part des témoins et des mémoires que nous avons reçus — nous avons reçu 300 témoins et plus de 70 mémoires qui contenaient des recommandations très précises —, je crois que nous sommes en mesure de porter un second examen, la deuxième, mais aussi la troisième fois que nous recevrons le projet de loi.

L’honorable Claude Carignan : Ma question porte sur le mandat actuel du comité.

Pouvez-vous nous dire ce qu’étudie actuellement le Comité sénatorial permanent des langues officielles, et quelle est son importance pour les francophones?

La sénatrice Gagné : Je vous remercie de la question, sénateur.

Le comité étudie actuellement la politique en matière d’immigration, qui est extrêmement importante dans le cadre du projet de loi. En effet, le projet de loi prévoit d’imposer une obligation d’élaborer une politique en matière d’immigration. Cette politique fait donc partie intégrante de celui-ci.

Comme je l’ai mentionné dans mon discours, lorsque nous recevons les témoins, la question de la politique en matière d’immigration dans le contexte du projet de loi C-13 est un élément de discussion inévitable, car le projet de loi fait partie tout autant des questions que des réponses.

Le sénateur Carignan : Je comprends donc que, sans même avoir obtenu le renvoi ou la permission de faire une étude préalable du projet de loi C-13, le comité étudie actuellement la politique en matière d’immigration. Il bénéficie donc déjà de cette étude du projet de loi C-13?

La sénatrice Gagné : Merci pour la question, sénateur.

C’est une petite partie de l’étude, une partie assez limitée par rapport à tous les changements qui sont apportés à la Loi sur les langues officielles. Je pense que parler de la politique doit se faire dans un contexte plus large, et c’est pourquoi on y fait continuellement référence, pour déterminer comment cette politique sera élaborée, mais toujours dans un cadre législatif très spécifique.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 18 mai 2022, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 31 mai 2022, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1640)

[Traduction]

La Loi interdisant les armes à sous-munitions

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ataullahjan, appuyée par l’honorable sénateur Plett, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-225, Loi modifiant la Loi interdisant les armes à sous-munitions (investissements).

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole amicale pour le projet de loi S-225, Loi modifiant la Loi interdisant les armes à sous-munitions (investissements), dont ma collègue, la sénatrice Ataullahjan, est la marraine.

Chers collègues, ce projet de loi majeur porte sur l’argent : l’argent des Canadiens, votre argent et le mien. C’est un projet de loi qui cherche à fournir des éclaircissements aux investisseurs et à favoriser la reddition de comptes. Il vise à limiter et à éliminer un jour les atteintes horribles infligées, surtout à des civils, par une certaine catégorie d’armes. En fin de compte, chers collègues, le projet de loi porte sur la responsabilité mondiale et le leadership humanitaire.

J’aimerais d’abord ramener le sujet plus près de chez nous. À ma connaissance, les bombes à sous-munitions n’ont jamais été utilisées en Amérique du Nord. Cependant, des armes ayant des caractéristiques et des impacts semblables ont été utilisées dans des cas de terrorisme national aux États-Unis.

Honorables collègues, est-ce que vous vous souvenez de l’attentat à la bombe du marathon de Boston en 2013 quand deux bombes ont explosé près de la ligne d’arrivée, transformant immédiatement cet événement d’athlétisme palpitant en scène de chaos sanglante?

À environ 14 h 49 le 15 avril, deux bombes fabriquées au moyen d’autocuiseurs remplis de billes d’acier et de clous ont explosé, tuant deux femmes dans la vingtaine et un garçon de huit ans, et blessant plus de 260 autres personnes. En tout, 16 personnes ont dû se faire amputer une ou deux jambes; la plus jeune amputée étant une fillette de sept ans. Cette tragédie a eu des conséquences dévastatrices immédiates et à long terme pour les gens touchés.

Maintenant, chers collègues, gardez en tête la dévastation humaine de Boston et transportez-vous à l’époque de la guerre du Vietnam. Imaginez, chers collègues, quelle était la situation des agriculteurs, des petits entrepreneurs, des écoliers et des aînés du Laos entre 1964 et 1973, alors que les forces aériennes des États-Unis et la compagnie aérienne de la CIA, Air America, ont lâché 2 millions de tonnes de bombes — plus que l’ensemble des bombes utilisées pendant la Seconde Guerre mondiale — et décimé le pays et sa population.

Le Laos est le pays qui a reçu le plus de bombes par habitant dans le monde. Les États-Unis y ont largué l’équivalent d’une cargaison d’avion toutes les 8 minutes, 24 heures sur 24 pendant 9 ans. En 1975, 200 000 personnes, soit un dixième de la population laotienne, avaient perdu la vie et deux fois plus avaient été blessées. On estime qu’au moins 250 000 personnes ont été tuées ou blessées depuis la guerre par des bombes à sous-munitions non explosées — on parle de gens qui essaient de survivre en travaillant dans leur rizière ou d’enfants qui sont attirés par ces objets brillants.

Une arme à sous-munitions, chers collègues, c’est un contenant rempli de petites sous-munitions. Le contenant peut être un obus, une roquette, un missile ou un autre dispositif. On le largue depuis un avion ou on le lance depuis le sol. La munition explose en plein ciel et relâche une pluie de sous-munitions sur une grande superficie.

Les sous-munitions, ou bombettes, sont souvent de la taille d’une balle de tennis et sont en fait assez semblables aux bombes réalisées à l’aide d’autocuiseurs qui ont été utilisées à Boston, dans la mesure où elles renferment plus de 300 morceaux de métal destinés à éliminer des cibles humaines. L’explosion d’une sous-munition peut causer des blessures mortelles par éclats dans un rayon de 65 pieds et causer des blessures à quiconque se trouve dans un rayon de 328 pieds.

Chers collègues, nous avons maintenant des preuves de l’utilisation d’armes à sous-munitions par les Russes dans leur guerre contre l’Ukraine, notamment lors du pilonnage d’une gare à Kramatorsk, qui a entraîné la mort d’au moins 50 civils, dont des enfants, et en a blessé de nombreux autres.

Des photos prises en Ukraine indiquent que des sous-munitions non explosées jonchent maintenant des quartiers résidentiels de Kharkiv. Des stationnements des centres commerciaux, des rues de la ville et des zones résidentielles sont désormais parsemés de ces armes mortelles et non explosées.

En 2020 et 2021, des armes à sous-munitions ont été employées en Syrie, ainsi que par l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans le cadre du conflit du Nagorno-Karabakh. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, au moins 23 gouvernements ont eu recours aux armes à sous-munitions dans 41 pays, parfois contre leurs propres citoyens.

Les États-Unis ont utilisé des armes à sous-munitions au Cambodge. J’ai cité le Laos. Ils en ont utilisé au Vietnam, à la Grenade, au Liban, en Libye, en Iran, en Irak, au Koweït, en Arabie saoudite, en Bosnie-Herzégovine, en Serbie, au Monténégro, au Kosovo, en Afghanistan et au Yémen.

En plus d’y avoir recours en Ukraine, la Russie a utilisé des armes à sous-munitions en Tchétchénie, en Afghanistan, en Géorgie et en Syrie.

Chers collègues, 16 pays ont fabriqué des armes à sous‑munitions, dont les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Iran, Israël, la Corée du Nord et la Corée du Sud.

Chers collègues, maintenant que j’ai fourni l’historique et le contexte sur les armes à sous-munitions, tournons-nous maintenant vers le projet de loi S-225.

Le Canada a participé au processus d’Oslo, qui a produit la Convention sur les armes à sous-munitions. Il y a milité pour des dispositions fortes portant sur l’aide aux victimes et sur la coopération et l’aide internationales.

Le processus et la substance de la convention étaient basés sur la Convention d’Ottawa, qui a interdit les mines antipersonnel à la fin des années 1990. Cette dernière a été une importante réussite diplomatique pour notre pays.

Le Canada a signé la Convention sur les armes à sous-munitions le 3 décembre 2008, et il l’a ratifiée le 16 mars 2015; elle est ensuite entrée en vigueur en septembre la même année. La convention interdit l’emploi, la production, le transfert et le stockage de cette catégorie d’armes. Elle prévoit aussi, sur les huit années suivantes, la destruction des armes à sous-munitions stockées, et le nettoyage des zones infestées sur les dix années suivantes; il est aussi question d’aide aux victimes, à leur famille et aux communautés touchées.

Cent dix États sont parties à la Convention sur les armes à sous-munitions, et 13 autres l’ont signée, mais ne l’ont pas encore ratifiée.

Le Canada n’a jamais produit ni utilisé d’armes à sous-munitions, mais nous en avons déjà achetées. Conformément à la convention qu’il a signée, le Canada a détruit ses stocks de plus de 13 000 armes à sous-munitions et de 1,36 million de sous-munitions.

Chers collègues, le projet de loi à l’étude modifierait la Loi interdisant les armes à sous-munitions du Canada.

Lorsque le Parlement a adopté le projet de loi C-6 en 2014, de nombreuses critiques ont été formulées par un certain nombre de députés, de sénateurs et d’organisations de la société civile expertes canadiennes et internationales. Il y a eu la Campagne internationale pour interdire les mines, ainsi que la Coalition contre les armes à sous-munitions, qui a qualifié le projet de loi de pire mesure législative de tout État partie à cette convention. Chers collègues, les critiques ont trouvé que le projet de loi canadien présentait des lacunes pour deux raisons.

Premièrement, les opposants affirmaient alors — et ils affirment encore aujourd’hui — que la loi canadienne sur les armes à sous-munitions permet au Canada de participer avec d’autres pays qui ne sont pas signataires de la Convention sur les armes à sous-munitions, y compris les États-Unis, un de nos proches alliés, à des opérations militaires dans lesquelles des armes à sous-munitions sont utilisées. C’est ce qu’on appelle l’interopérabilité militaire.

Les observateurs ont indiqué qu’il y avait eu une longue bataille interministérielle en grande partie entre le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de l’époque et le ministère de la Défense nationale, et qu’une décision politique avait été prise pour soutenir la position du ministère de la Défense nationale sur cette disposition de la loi, qui a finalement été adoptée le 6 novembre 2014.

C’est le premier sujet de préoccupation. Mais ce n’est pas l’objet de ce projet de loi.

Le deuxième sujet de préoccupation lié à la loi actuelle sur les armes à sous-munitions est l’absence d’une disposition claire et explicite — et j’insiste sur le mot « explicite » — pour interdire les investissements canadiens dans les entreprises qui fabriquent des armes à sous-munitions ou leurs composants.

(1650)

Selon des critiques émises tant au Canada qu’à l’étranger, la loi canadienne ne répond pas aux normes de la Convention sur les armes à sous-munitions qu’elle est censée faire respecter, et il est surprenant que le gouvernement libéral n’ait pas agi immédiatement pour corriger la loi dès son arrivée au pouvoir en 2015.

Chers collègues, le projet de loi S-255 dont nous sommes saisis corrige une des échappatoires de notre loi actuelle sur les armes à sous-munitions, soit celle concernant les investissements.

C’est la deuxième fois que la sénatrice Ataullahjan tente de corriger cette importante lacune en présentant un projet de loi modifiant la Loi interdisant les armes à sous-munitions.

En 2017, les sénatrices Ataullahjan et Jaffer, ainsi que l’ancienne sénatrice Hubley ont appuyé le précédent projet de loi S-235 à l’étape de la deuxième lecture. Le Sénat a renvoyé le projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, mais le processus s’est arrêté là.

Sénateurs, comme l’a si clairement expliqué la sénatrice Ataullahjan dans le cadre de son récent discours à l’étape de la deuxième lecture :

Le projet de loi S-225 vise à harmoniser la Loi interdisant les armes à sous-munitions à l’esprit de la convention. En interdisant explicitement les investissements dans la fabrication d’armes à sous-munitions, nous établirions des lignes directrices claires à l’intention des institutions financières canadiennes...

Nous savons que certaines de ces institutions avaient accueilli favorablement l’idée il y a plus d’une décennie. Le projet de loi S-225 élimine d’autres lacunes en interdisant aux institutions financières canadiennes de prêter de l’argent à ces fabricants ou de leur fournir une garantie de prêt.

Honorables collègues, vous vous demandez peut-être — comme moi, d’ailleurs — quelles sont les sociétés canadiennes qui investissent dans les entreprises qui fabriquent des armes à sous‑munition aux États-Unis et dans d’autres pays. Est-il possible que, par inadvertance, au moyen de mes investissements, je fasse en sorte que le Canada contrevienne à cette importante convention? Se peut-il également que je contribue involontairement à la douleur et à la souffrance de gens innocents dans d’autres pays?

Honorables sénateurs, à qui incombe cette responsabilité?

Dans le plus récent rapport de l’organisme Stop Explosive Investments, publié en 2018, sept sociétés canadiennes avaient été identifiées comme ayant investi dans des fabricants d’armes à sous‑munition. Je parle au passé, parce qu’on ne sait pas si elles le font encore. Il s’agit de la Corporation Financière Power, de la Société de gestion AGF, du groupe financier BMO, de l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada, de la Banque Scotia, de la Financière Sun Life et de la Banque Toronto-Dominion.

En 2016, quatre sociétés canadiennes — CI Financial, la Financière Manuvie, la Banque Royale du Canada et la Financière Sun Life — ont été nommées à ce qu’on appelle le panthéon de la honte pour avoir investi dans des fabricants d’armes à sous‑munitions. Cette année-là, l’organisme a suivi à la trace 12 milliards de dollars, investis par 49 sociétés mondiales. Le Canada n’est pas seul dans cette affaire.

Le rapport de l’organisme Stop Explosive Investments, qui sera publié plus tard dans l’année, devrait comprendre une liste actualisée des entreprises. Il sera très important pour nous tous de jeter un coup d’œil à ce rapport. Espérons que davantage d’entreprises seront passées du panthéon de la honte au panthéon de la renommée, qui a également été créé. Je suis convaincue qu’il y a eu un certain mouvement.

Chers collègues, je tiens à féliciter Mines Action Canada, la Coalition contre les armes à sous-munitions, PAX, Human Rights Watch, le Comité international de la Croix-Rouge, Humanité et Inclusion, et tous les organismes qui s’efforcent chaque jour de prévenir de futures atrocités dues aux bombes à sous-munitions, d’éliminer les quantités importantes de munitions non explosées dans de nombreuses régions du monde et d’assurer la prise en charge des victimes.

Faire la lumière sur les investisseurs et les entreprises qui produisent ces armes et les aider à passer du panthéon de la honte au panthéon de la renommée est une partie essentielle de cet important travail. Qui voudrait faire cela? Je suis sûr que nos entreprises canadiennes ne veulent pas être là.

Chers collègues, le Canada a une fière tradition de collaboration avec ses partenaires internationaux pour un monde plus pacifique, plus humain et plus juste. Prévenir les violations des droits de la personne et protéger des vies, voilà ce qui motive l’intérêt du Canada à façonner les efforts internationaux de réglementation des armes et à s’y joindre.

Outre la Convention sur les armes à sous-munitions, le Canada est partie à d’autres conventions et accords internationaux portant sur une foule d’autres armes, y compris les armes biologiques ou à toxines, les armes chimiques, certaines armes conventionnelles et les mines antipersonnel. Pour l’instant, le Canada n’est pas partie au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.

Le projet de loi S-225 vise à ce que le Canada redouble d’efforts pour remplir ses obligations au titre de la Convention sur les armes à sous-munitions. Honorables collègues, étant donné que des armes à sous-munitions sont encore déployées dans plusieurs régions du monde, et compte tenu des lacunes observées dans les dispositions législatives en vigueur au Canada, il est temps de renvoyer ce projet de loi à un comité qui se penchera de plus près sur la question.

Honorables sénateurs, avant de conclure, j’aimerais citer une Néo-Écossaise pacifiste, féministe, militante communautaire et membre de l’Ordre du Canada, la regrettée Muriel Duckworth, qui a dit ceci :

[...] la guerre est le pire meurtrier, le pire pollueur, le plus grand créateur de réfugiés, la plus grande cause de famine et de maladie [...]

Je ne sais pas comment on peut sensibiliser les gens qui font de l’argent, qui gagnent du prestige et qui exercent et étendent leur pouvoir en faisant la guerre.

Honorables sénateurs, avec ce projet de loi, nous pouvons empêcher les Canadiens de financer les fabricants de ces horribles instruments qui tuent et mutilent des gens. Espérons que nous pourrons convaincre nos homologues étrangers de suivre notre exemple. Il s’agit essentiellement d’une mesure de plus pour sauver la vie de personnes innocentes et pour prévenir la souffrance humaine.

Je ne peux trouver de meilleure raison de faire avancer l’étude d’un projet de loi. Allons donc de l’avant, honorables collègues.

Wela’lioq. Merci.

(Sur la motion du sénateur Dalphond, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi constitutionnelle de 1867

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Patterson, appuyée par l’honorable sénateur Tannas, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété).

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la deuxième lecture pour appuyer le projet de loi S-228, présenté par le sénateur Patterson. Ce projet de loi cherche à supprimer l’obligation pour tous les sénateurs de posséder un avoir net personnel d’au moins 4 000 $, de même que l’obligation relative d’un avoir immobilier d’une valeur d’au moins 4 000 $, qui s’applique à tous les sénateurs, sauf à ceux du Québec.

Dans sa forme actuelle, le projet S-228 ne corrige pas ce que j’appelle la discrimination constitutionnelle qui touche tous les sénateurs du Québec, et seulement les sénateurs du Québec. En matière d’obligation liée à la propriété, avant d’accéder à la fonction de sénateur et pour conserver son poste, un sénateur du Québec n’a pas seulement l’obligation d’être un propriétaire foncier dans sa province de résidence, il doit posséder ce titre dans la circonscription ou le collège électoral où il est désigné comme représentant. J’y reviendrai un peu plus tard pour vous aider à comprendre l’impact que cela peut avoir pour un potentiel sénateur du Québec.

Quant au projet de loi S-228, il a au moins l’avantage de chercher à éliminer un critère de sélection des nouveaux sénateurs potentiels qui pourrait être un obstacle à l’accession à cette Chambre.

Loin de moi l’idée de vouloir reprendre le récit historique référant à la Rome antique que vous a livré la sénatrice Paula Simons sur les raisons possibles qui ont guidé les Pères de la Constitution à imposer des restrictions économiques à l’accession au poste de sénateur. Je dirai tout simplement que nous ne sommes plus en 1867 et que, peu importe l’effort que cela nous demandera, il est temps de mettre fin à des critères constitutionnels qui ne sont rien d’autre que discriminatoires pour ceux et celles qui pourraient être appelés à joindre cette Chambre.

Avec ce droit d’entrée de 1867, on comprend pourquoi les premiers sénateurs du Canada n’étaient que de riches propriétaires terriens, des commerçants et des banquiers. On voulait tout simplement éliminer de la fonction de sénateurs une certaine classe de citoyens de l’époque. Or, un texte semblable serait intolérable aujourd’hui. Les critères de l’accession au Sénat doivent donc être modernisés et adaptés à 2022.

Revenons au projet de loi S-228. Je ne m’étendrai pas sur les obstacles que l’obligation d’être propriétaire entraîne pour les peuples des Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada qui continuent d’habiter leurs territoires. Le sénateur Patterson a clairement fait ressortir que les citoyens du Nunavut comme lui ne sont pas propriétaires des terres sur lesquelles ils habitent et sont donc exclus d’office d’une possible nomination au Sénat de leur pays. Puisque les terres du Nunavut sont considérées comme étant un bien commun, cela rend inadmissible au Sénat la très grande majorité de ses résidants.

(1700)

En 1867, ceux qui ont rédigé l’Acte de l’Amérique du Nord britannique qui a créé le Canada ont été inspirés par des valeurs de l’époque, certes, mais c’est quand même inacceptable que la participation à la vie politique et démocratique d’un pays comme le Canada soit encore encadrée par des règles archaïques écrites dans des termes qui ne correspondent en rien à notre réalité démographique.

Nous étudions maintenant un projet de loi qui vise à réparer les choses, du moins en partie; permettez-moi maintenant de revenir sur la situation particulière des sénateurs du Québec.

La Constitution de 1867 accordait au Québec 24 sièges de sénateurs. Cependant, contrairement aux dispositions touchant les autres provinces, où le territoire d’un sénateur est toute la province où il réside, un sénateur du Québec est nommé dans une circonscription, ou encore ce que l’on appelle un collège électoral.

Dans les autres provinces canadiennes, le titre foncier qu’un candidat au Sénat doit détenir avant sa nomination peut être sa résidence, son chalet ou un terrain qu’il possède n’importe où dans la province.

Cette obligation est bien différente au Québec, car la Constitution de 1867 est beaucoup plus restrictive pour les candidats au poste de sénateur de cette province. Leur droit de propriété doit absolument se situer dans le collège électoral auquel ils sont assignés. Je vous rappelle que la province est divisée en 24 circonscriptions.

Pour les candidats au poste de sénateur qui résident dans leur collège électoral, il leur suffit d’être propriétaires de leur résidence, mais tous ceux qui sont locataires sont exclus.

Voilà une première discrimination.

Pour les candidats au poste de sénateur assignés à un collège électoral situé à l’extérieur des grands centres, comme Montréal et Québec, mais dont ils ne sont pas résidants, le problème est moindre, puisqu’ils n’ont qu’à acquérir un petit terrain boisé dans ce collège électoral pour devenir admissibles à un poste de sénateur.

C’est tout aussi discriminatoire, parce qu’il faut avoir assez d’argent pour le faire.

Le problème devient bien différent quand vous êtes sollicité comme candidat au poste de sénateur pour une des deux circonscriptions électorales de l’île de Montréal, sans en être résidant propriétaire. Je parle ici du collège électoral de Victoria, que je représente et qui est situé au centre-ville de Montréal, ou encore de celui d’Alma, qui représente la circonscription sénatoriale de la partie est de Montréal.

Lorsque j’ai été contacté dans le but d’être nommé sénateur en 2011, tout comme vous l’a raconté la sénatrice Simons, il m’a fallu dénicher, en un temps record, un terrain ou une propriété pour être admissible à cette nomination.

Acheter un petit terrain dans toute la province de l’Alberta, où habite la sénatrice Simons, ou encore à Shawinigan aurait sûrement été plus facile. Toutefois, sur l’île de Montréal ou pire encore, dans la partie ouest de l’île de Montréal, essayez donc de trouver, en 72 heures, un terrain d’une valeur de 4 000 $ pour devenir admissible à un poste de sénateur. Même un terrain au cimetière Notre-Dame-des-Neiges coûte plus cher que cela!

Pour me conformer à la qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière, j’ai donc dû acheter un condo à l’Île-des-Sœurs, que je n’habite pas. Pourtant, année après année, je dois faire la preuve que j’en suis toujours propriétaire afin de conserver mon poste de sénateur.

Je n’ai certainement pas l’intention de vous faire pleurer sur ma situation, que j’accepte très bien, mais ceux qui voudraient faire comme moi et devenir sénateurs du Québec ne devraient jamais être potentiellement pénalisés parce qu’ils ne sont pas propriétaires et qu’ils n’ont pas les moyens financiers de conclure rapidement une acquisition pour être admissibles à un poste de sénateur.

En 2022, devenir propriétaire à Montréal n’est pas accessible à tous; je dirais même qu’il est difficile d’y être un simple locataire.

Maintenant que nous sommes tous en mesure de reconnaître que les obligations constitutionnelles de 1867 liées au fait d’être un propriétaire foncier sont discriminatoires, nous pourrions nous engager sérieusement dans un processus afin de corriger la situation. On peut à tout le moins faire un bout de chemin avec le projet de loi S-228 du sénateur Patterson, ce qui réglerait le problème pour 9 des 10 provinces canadiennes et pour les territoires.

Cependant, tant qu’à aborder le sujet, nous pourrions en même temps mettre en place un processus sérieux en vue d’obtenir l’approbation du gouvernement du Québec à l’égard d’un changement dans la Constitution de 1867 sur la qualification des sénateurs nommés au Québec, afin que ces derniers soient traités sur le même pied que les sénateurs des autres provinces et territoires du pays.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur les compétences linguistiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-229, Loi modifiant la Loi sur les compétences linguistiques (lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick).

(Sur la motion du sénateur Dalphond, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi sur l’assurance-emploi
Le Règlement sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Griffin, appuyée par l’honorable sénateur Tannas, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard).

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je prends la parole depuis le territoire traditionnel de la Première Nation des Kwanlin Dün et du Conseil des Ta’an Kwäch’än.

Un peu plus tard aujourd’hui, je rejoindrai le Conseil des femmes autochtones du Yukon, qui organise le Forum sur la reddition de comptes et le rassemblement familial des femmes, des filles, des personnes bispirituelles et des personnes LGBTQQIA autochtones assassinées ou portées disparues.

La reddition de comptes est une qualité, une valeur et un principe que je défends en tant que politicienne et en tant que Canadienne.

Aujourd’hui, je prends la parole dans cet esprit à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard). Les sénateurs se souviendront peut-être que je me suis proposée pour reprendre le flambeau de ce projet de loi au Sénat lorsque sa marraine, notre ancienne collègue la sénatrice Diane Griffin a proposé de passer à l’étape de la deuxième lecture le 3 mars dernier. Aujourd’hui, je rends compte à mon ancienne collègue et à l’ensemble des sénateurs concernant le projet de loi S-236.

Comme nous l’ont dit notre collègue récemment partie à la retraite et la porte-parole, la sénatrice Rose-May Poirier, qui est intervenue le 28 avril, l’Île-du-Prince-Édouard possède deux régions de l’assurance-emploi, ce qui provoque un déséquilibre et des injustices pour les habitants de cette île. Ce sont ces injustices, décrites avec tant d’éloquence par la sénatrice Poirier et la sénatrice Griffin, qui m’ont poussé à agir.

Honorables sénateurs, la délimitation des zones aux fins de l’assurance-emploi touche d’autres régions au Canada, y compris le territoire du Yukon. Ce qui distingue l’Île-du-Prince-Édouard, c’est la petite superficie de la province comparativement au Yukon. Cette petite superficie fait en sorte que la délimitation d’une zone côtière est complètement inéquitable.

Au Yukon, la capitale, Whitehorse, constitue une zone tandis que le reste du territoire en constitue une seconde. La majorité de la population est concentrée à Whitehorse. Cette ville est là où se situe le siège du gouvernement territorial; les bureaux du Conseil des Premières Nations du Yukon, un organe qui regroupe les chefs et les conseillers des 14 Premières Nations du Yukon autour d’une même table pour prendre les décisions; les bureaux de la Première Nation des Kwanlin Dün, la plus grande Première Nation du Yukon qui se gouverne de manière autonome, ainsi que le conseil des Ta’an Kwäch’än; et les bureaux de l’administration municipale de la Ville de Whitehorse.

En plus d’être le siège de ces entités de gouvernance, Whitehorse possède aussi un aéroport international achalandé, le plus gros hôpital du Yukon, en plus d’être le lieu d’approvisionnement au détail pour tout le Yukon, le Sud-Est de l’Alaska et les communautés les plus nordiques d’Inuvik et de Tuktoyaktuk, représentées par notre collègue la sénatrice Anderson.

(1710)

Bref, les possibilités d’emploi diffèrent grandement de celles qui existent à proximité de Haines Junction, soit, à l’Ouest, le bureau central du Parc national et de la réserve Kluane ainsi que le gouvernement des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik et, au Sud, la localité de Teslin sur la route de l’Alaska.

On peut comprendre le découpage des régions économiques du Yukon. Les autres possibilités d’emploi les plus proches se trouvent à plus de 70 kilomètres dans le cas de Carcross, ou à plus de 100 kilomètres dans le cas des grands centres comme Haines Junction or Teslin.

Permettez-moi, pour illustrer un peu la question des régions économiques, de mentionner un concept semblable qui concerne nos fonctions de sénateurs et le temps que nous passons ici. Le district parlementaire, qu’on appelait auparavant « région de la capitale nationale » dans le Règlement administratif du Sénat, s’étend « dans un rayon de 100 kilomètres de la Colline du Parlement ».

L’Île-du-Prince-Édouard est divisée en deux zones économiques. Charlottetown forme l’une des deux zones. Très peu de régions de l’Île-du-Prince-Édouard se trouvent à 100 kilomètres de Charlottetown. Des insulaires m’ont dit qu’on risquerait d’aboutir dans l’océan si on parcourait 100 kilomètres à partir de leur zone économique. En pratique, des gens peuvent vivre dans la région de Charlottetown, qui comprend les villes de Stratford et de Cornwall, et travailler dans une autre zone. L’inverse est aussi vrai : des gens peuvent travailler dans une zone économique et vivre dans une autre. Voilà la situation qui m’a amenée à me pencher sur ce projet de loi. Il existe une situation tout à fait inéquitable en ce qui concerne les prestations d’assurance-emploi versées à l’Île-du-Prince-Édouard.

Honorables sénateurs, la marraine et le porte-parole pour le projet de loi ont expliqué en termes plus éloquents que les miens que cette situation fausse le nombre d’heures de travail ouvrant droit aux prestations et la période d’admissibilité de l’assurance-emploi en ce qui a trait aux prestations fondées sur l’adresse résidentielle, même si des travailleurs sont embauchés dans le même lieu de travail. L’évaluation d’impact qui accompagne le règlement modificatif publié dans la Gazette du Canada le 2 juillet 2014 montre l’effet attendu de ce changement dans la région de Charlottetown et que, sur les 6 560 demandeurs projetés de l’assurance-emploi, 5 450 verraient leurs prestations réduites de plus de 2 000 $. Pendant ce temps, dans l’autre région de l’Île-du-Prince-Édouard, sur un total de 15 070 demandeurs projetés, 9 150 verraient leurs prestations augmenter d’environ 1 620 $.

Honorables sénateurs, dans un rapport de juin 2016 intitulé Exploration des conséquences des récents changements à l’assurance-emploi et des moyens d’améliorer l’accès au programme, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées fait la recommandation suivante :

Le Comité conçoit que la récente division de l’Île-du-Prince-Édouard et des territoires en deux régions économiques distinctes de l’AE a eu des impacts négatifs importants sur le bien-être de ces communautés, et pour cette raison, le Comité émet la recommandation qui suit :

RECOMMANDATION 6

Le Comité recommande au gouvernement fédéral de reconsidérer les nouvelles régions économiques de l’assurance-emploi qui ont été créées en 2014, et de revenir au découpage précédent.

Honorables sénateurs, nous avons aussi étudié ce problème au Comité sénatorial des finances nationales. Le 25 mai 2021, ce comité a entendu les témoignages des maires des trois municipalités dont j’ai parlé plus tôt, durant lesquels le maire de Charlottetown a parlé de la promesse électorale du député Sean Casey d’inverser les deux régions actuelles. En outre, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a formulé les observations suivantes, dans son compte-rendu du 7 juin 2021 à propos du projet de loi C-30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 avril 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures :

Votre comité a entendu que le ministère de l’Emploi et du Développement social du Canada est conscient des préoccupations relatives aux multiples régions économiques de l’assurance-emploi dans de petites régions géographiques, comme les deux régions économiques de l’assurance-emploi de l’Île-du-Prince-Édouard. Votre comité s’inquiète des inégalités entre ces régions économiques de l’assurance-emploi, malgré l’allégement temporaire apporté par les mesures actuelles liées à COVID-19, et suggère donc que le gouvernement du Canada explore des solutions pour remédier à ces inégalités.

Récemment, le représentant du gouvernement au Sénat nous a écrit au sujet de l’examen de l’ensemble du régime d’assurance-emploi. La phase 1 est terminée et la phase 2 est en cours. Le rapport de la phase 1 ne mentionne pas la situation particulière de l’Île-du-Prince-Édouard. Comme il s’agit d’un examen de la situation globale, il n’est pas certain qu’il se penchera sur la situation bien particulière de l’Île-du-Prince-Édouard. Considérant l’iniquité du système actuel, je crois que les modifications relativement simples proposées par la sénatrice Griffin constituent une solution élégante et utile.

En tout respect, je rappelle aux honorables sénateurs les enjeux étudiés par la Chambre des communes et par les comités du Sénat et dont j’ai parlé plus tôt. J’ai bien écouté mes collègues et, même si je suis sénatrice depuis relativement peu de temps, j’ai remarqué l’excellence du travail mené par les comités sénatoriaux. J’apprécie leurs conseils quant au fait que, même si deux comités sénatoriaux et la Chambre ont fait des recommandations à ce sujet et que les comités en question — comme moi — ont écouté des Prince-Édouardiens, nous devons mener un examen exhaustif et étudier le projet de loi avec attention. Je parle évidemment du projet de loi S-236.

Certains sénateurs sont d’avis que le Comité des affaires sociales est le mieux placé pour mener une telle étude. Au Comité des finances nationales — où nous souscrivons à des principes de transparence et de reddition de comptes, comme nous le rappelle notre excellent président à presque toutes les réunions, et où nous avons entendu des témoins comme le maire de Charlottetown sur la question —, certains membres voudraient effectuer cette étude. Cependant, compte tenu des études en cours à ces deux comités, aucun d’entre eux n’a le temps ou les ressources pour examiner le projet de loi S-236 — et il n’est pas possible d’en dégager. En ce moment, le Comité de l’agriculture et des forêts a la capacité, le temps et les ressources pour étudier le projet de loi S-236. Je dois insister sur le fait que c’est le cas « en ce moment ».

Chers collègues, cette situation existe depuis 2014. Elle s’est améliorée brièvement pendant la pandémie avec le retour des navires de croisière à l’Île-du-Prince-Édouard, de la saison touristique et des semailles du printemps, autrement dit, avec le retour des emplois saisonniers. La distinction artificielle et inéquitable entre les Prince-Édouardiens des régions rurales et urbaines en ce qui concerne les prestations d’assurance-emploi doit prendre fin. Retarder cette étude à un moment où un comité sénatorial est parfaitement capable de s’en occuper perpétue le problème.

Plus tôt aujourd’hui, nous avons entendu des sénateurs parler de l’urgence de renvoyer d’autres projets de loi aux comités du Sénat aux fins d’un examen rapide. Je ne dis pas que cette question constitue une urgence nationale. Je dis qu’elle est urgente pour les Prince-Édouardiens, nos concitoyens canadiens, et que les sénateurs disposent des outils nécessaires pour régler cette question rapidement. Aujourd’hui, je demande que nous le fassions.

Les sénateurs se souviendront que je prends souvent la parole pour dire que je suis heureuse de pouvoir vous parler. Aujourd’hui, mon journal de reconnaissance m’a rappelé qu’il faut être authentique et fidèle à ce qui nous anime et utiliser cette passion pour agir dans l’intérêt des personnes, des lieux et des espaces qui nous entourent. Je crois que j’ai été authentique aujourd’hui au moment de manifester ma passion pour l’équité en matière de prestations d’assurance-emploi envers les Prince-Édouardiens. Avec toute la passion que j’ai pour le bon travail du Sénat, je vous demande respectueusement d’appuyer aujourd’hui l’adoption du projet de loi S-236 et son renvoi subséquent au Comité de l’agriculture.

Mahsi’cho. Gùnáłchîsh. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1720)

Affaires sociales, sciences et technologie

Autorisation au comité d’étudier le cadre législatif et réglementaire de la procréation assistée

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénatrice Simons,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les questions relatives au cadre législatif et réglementaire de la procréation assistée au Canada ainsi que toutes autres questions connexes jugées pertinentes par le comité, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 octobre 2023, et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à modifier l’article 2 du chapitre 4:03 du Règlement administratif du Sénat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Marwah, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan,

Que l’article 2 du chapitre 4:03 du Règlement administratif du Sénat (RAS) soit modifié par adjonction, après le paragraphe (2), de ce qui suit :

« (3) Pendant les périodes de prorogation et de dissolution, les sénateurs qui faisaient partie du Sous‑comité du programme et de la procédure du Comité de sélection au moment de la prorogation ou de la dissolution du Parlement peuvent exercer collectivement les pouvoirs du Comité de sélection prévus au paragraphe (2).

(4) Si un sénateur visé au paragraphe (3) prend sa retraite, démissionne ou cesse de siéger en tant que membre d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu pour quelque motif que ce soit pendant une période de prorogation ou de dissolution, il cesse alors également de siéger au Comité de sélection pour l’application du paragraphe (3). Le siège vacant qui en résulte doit être attribué au leader ou au facilitateur du parti ou du groupe auquel appartenait le sénateur. »

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Les défis et possibilités auxquels font face les municipalités canadiennes

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Simons, attirant l’attention du Sénat sur les défis et possibilités auxquels font face les municipalités canadiennes, et sur l’importance de comprendre et de redéfinir les relations entre les municipalités du Canada et le gouvernement fédéral.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer l’objectif de l’interpellation de la sénatrice Simons sur les municipalités canadiennes. J’aborderai cinq thèmes. Pour que personne — et surtout pas moi — ne perde le fil du discours, j’annoncerai chacun des thèmes au fur et à mesure. Les cinq thèmes sont l’identité, l’histoire, l’influence socioéconomique, l’autonomie et la subsidiarité, ainsi que les collectivités.

Vous connaissez certainement des intervenants qui passent du sublime au ridicule. Aujourd’hui, je tenterai de faire le contraire, c’est-à-dire de passer du ridicule au sublime. Souhaitez-moi bonne chance.

J’ai deux histoires à raconter sur l’identité. En septembre 1971, j’avais pris le train faisant la liaison entre Saskatoon et Halifax. C’était ma première journée à la Faculté de droit de l’Université Dalhousie. J’étais assis dans le salon des étudiants. Mon futur ami le sénateur Wetston s’y trouvait probablement lui aussi, mais je ne le connaissais pas à l’époque. D’ailleurs, je ne connaissais personne. Je manquais beaucoup d’assurance, et j’étais très mal dans ma peau.

Un autre étudiant est venu me voir et s’est présenté : « Salut, je m’appelle Jim McPherson. » Je me suis présenté à mon tour, puis il m’a demandé d’où je venais. « De Moose Jaw », ai-je répondu. Il a dit qu’il était de Lunenburg. Puis il a ajouté : « On a plusieurs traditions et façons d’être à Lunenburg, et je suis sûr que c’est pareil à Moose Jaw, mais une tradition qu’on n’a pas, c’est de se promener la braguette ouverte. »

En racontant cette anecdote, je risque que vous vous souveniez seulement de la chute et qu’à l’avenir vous vérifiiez si ma braguette est ouverte. Mais j’aimerais aussi que vous vous souveniez d’un autre point, du moins aujourd’hui.

Lorsque nous nous sommes présentés, Jim et moi avons mentionné notre ville d’origine, l’endroit où, essentiellement, notre identité a commencé à prendre forme.

Voici une anecdote plus sérieuse : pendant un certain nombre d’années, j’ai été sous-ministre des Affaires intergouvernementales et Autochtones au sein du gouvernement de la Saskatchewan. Pendant ma première année à ce poste, on m’a demandé de présenter un exposé au Conseil des ministres et au premier ministre de la province. Mon premier point portait sur l’isolement, sur le fait qu’il existait alors — et qu’il existe toujours, à mon avis — deux solitudes, soit les collectivités autochtones et non autochtones de la Saskatchewan. Je souhaitais aussi faire comprendre quelque chose qui me tracassait depuis des années.

J’ai remis à chaque ministre du Cabinet et au premier ministre une carte routière de la Saskatchewan, et je leur ai demandé d’y localiser le village de Herschel. Tout le monde l’a trouvé en quelques secondes. C’était le village natal de Bernie Wiens, un ministre de l’époque, et il comptait environ 30 habitants.

Ensuite, je leur ai demandé de trouver « IR41 ». Il y a eu beaucoup de confusion. Nous avons fini par y parvenir : IR41, c’est la Nation crie de Poundmaker, une localité qui comptait 1 041 habitants à l’époque et dont le nom est honorable dans le contexte de notre histoire. J’ai un portrait du chef Poundmaker dans mon bureau. Cependant, sur nos cartes routières, la communauté était désignée par un numéro, et même pas par un nom. Je dois reconnaître que le premier ministre Romanow a immédiatement pointé du doigt le ministre des Transports et lui a dit : « Arrangez ça. » Il avait compris que notre identité est profondément enracinée dans notre collectivité.

Nous nous identifions à nos collectivités. Nous en sommes fiers. Elles sont importantes. Leur santé et leur prospérité sont aujourd’hui plus importantes que jamais.

Mon prochain thème est l’histoire. En 1867, le Canada était un pays surtout rural. Près de 85 % des Canadiens habitaient dans des milieux ruraux. Ottawa était une ville de 18 000 habitants. Notre métropole, Montréal, avait une population de 107 000 habitants, et Toronto, de 56 000 habitants. Au cas où vous vous poseriez la question, en 1867, Moose Jaw avait une population de zéro. La ville n’existait pas encore.

Les villes et les municipalités n’étaient pas sans importance en 1867, mais elles n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui. Par conséquent, ce n’est pas surprenant qu’au moment où l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 a été rédigé, les leaders locaux n’étaient pas à la table où les décisions ont été prises et que le sort de leurs concitoyens ait été assigné aux provinces plutôt qu’à leurs villes et municipalités relativement peu importantes. Comme nous avons pu le constater à la lumière de récentes décisions des tribunaux, les villes et les municipalités — qui ont essentiellement été créées par les provinces — sont parfois laissées à la merci des positions provinciales, même dans les cas des grandes métropoles comme Toronto.

Aujourd’hui, la situation est totalement inversée. Les habitants des régions urbaines représentent plus de 80 % de la population canadienne, un pourcentage qui ne cesse d’augmenter depuis des décennies. Prenez l’exemple d’Ottawa, cette ville de 18 000 personnes, qui a maintenant une population de 1 017 000 habitants; et de Toronto, cette ville de 56 000 personnes, dont la population compte aujourd’hui 2,794 millions d’habitants. Je suis certain que vous mourez d’envie de connaître le nombre d’habitants de Moose Jaw, eh bien cette ville compte maintenant 33 655 merveilleux habitants.

Maintenant, en ce qui concerne l’influence économique et sociale, nos villes et municipalités n’ont rien de comparable à ce qu’elles étaient en 1867. Elles sont beaucoup plus grandes, plus dynamiques et plus centrées sur la culture et la prestation de services aux citoyens. Les centres urbains sont plus que jamais les moteurs de notre économie. J’aimerais vous présenter quelques éléments pour faire valoir mon point.

La ville de Saskatoon exploite le plus important service de transport en commun par autobus en Saskatchewan. La ville de Toronto a un budget de 13,53 milliards de dollars, compte plus de 800 000 entreprises, accueille 38 % des sièges sociaux au Canada et son économie a une valeur de 364 milliards de dollars, ce qui représente 20 % du PIB du Canada.

Aussi remarquable que cela puisse paraître, le Canada urbain continue de croître et de prospérer, malgré le fait que les municipalités conservent un statut constitutionnel modeste, c’est-à-dire celui de créatures des provinces, une curiosité historique qui dure maintenant depuis 105 ans.

Comme nous le disent constamment les dirigeants municipaux et la Fédération canadienne des municipalités, cela rend la tâche difficile aux municipalités. Par exemple, le principal revenu des municipalités canadiennes est l’impôt foncier. Selon la ville et la province, l’impôt foncier représente de 32 % à 60 % de leurs revenus.

J’ai souvent l’impression que les deux principales sources de revenus de ma ville, Saskatoon, sont les impôts fonciers et les contraventions de stationnement. Malheureusement, je contribue aux deux.

Blague à part, nous devons examiner ces questions avec sérieux, de façon raisonnée et dans une optique à long terme.

Le prochain thème de mon discours est la subsidiarité. L’un des principes directeurs de l’établissement de notre pays était la subsidiarité, c’est-à-dire le principe voulant que les fonctions exécutées efficacement par un organisme subordonné ou local — pensons ici aux villes et aux villages — appartiennent plus convenablement à ces derniers qu’à l’organisation centrale dominante — pensons ici aux gouvernements provinciaux ou fédéral.

C’est la principale raison pour laquelle, au moment de répartir les pouvoirs dans le cadre de la Constitution du Canada, les affaires de nature soi-disant locale ou privée ont été confiées aux organismes soi-disant subordonnés de l’époque, les provinces, mais pas aux villes et aux villages.

(1730)

Toutefois, si l’on pense au présent, si nous devions concevoir un régime de gouvernance pour notre pays sur la base, entre autres, du principe de subsidiarité, nous serions susceptibles d’accorder beaucoup plus de responsabilités et d’autonomie aux administrations urbaines.

Maintenant, nous n’allons pas réécrire la Constitution pour restructurer cette réalité moderne par des moyens constitutionnels, mais il existe d’autres moyens. Nombreux sont ceux qui ont réfléchi à la manière dont cela pourrait être fait. Je n’ai pas de solution magique, mais je soutiens que la solution doit reposer sur la reconnaissance — et sur des partenariats de la part des gouvernements fédéral et provinciaux — de la nécessité de réaliser une modernisation organisée, structurelle et stable des pouvoirs juridiques et de la gouvernance des villes, ainsi qu’un accès stable et à long terme à des ressources financières, afin de permettre aux villes de fournir de nombreux services gouvernementaux essentiels aux citoyens. Cela devrait inclure des accords-cadres financiers à long terme — pas tant des accords fragmentaires que des accords-cadres fiscaux à long terme. Cela devrait inclure un accès structuré à de nouvelles sources de revenus. Il pourrait inclure de nouveaux pouvoirs pour les villes.

Je me permets de vous donner un exemple dont nous avons discuté récemment au Comité de l’agriculture et des forêts avec le maire Braun de la ville d’Abbotsford. J’ai occupé pendant quelques années le poste de sous-ministre des Affaires municipales de la Saskatchewan. Tandis que je mentionne les divers postes que j’ai occupés, vous vous dites peut-être que je suis incapable de conserver un emploi, et vous n’avez peut-être pas tort.

Pendant la première année où j’occupais ce poste, nous avons procédé à une refonte de la Cities Act de la Saskatchewan, la loi sur les municipalités, afin d’accorder aux villes le statut et l’autorité, jusqu’à un certain point, de « personnes physiques », ce qui a eu pour effet de renverser l’autorité de gouverner. Plutôt que d’accorder seulement certains pouvoirs, la loi donnait aux municipalités urbaines de la Saskatchewan l’autorité complète, excepté dans certains cas prévus dans la loi.

Des observateurs plus sages que moi ont beaucoup d’autres bonnes idées quant à la façon de solidifier et de revitaliser les villes du pays.

Le dernier point que je veux soulever concerne la collectivité. Toutes ces idées et de nombreuses autres possibilités sont présentées dans le but de solidifier les collectivités et on ne saurait exagérer l’importance de cet objectif pour nous, pour les collectivités et pour tout le pays.

Cela me rappelle les commentaires qu’avait faits, dans un contexte un peu différent, mon ami John Whyte et qui sont, à mon avis, pertinents dans la présente discussion, surtout en ce qui a trait à ce que les gouvernements peuvent faire et à ce qu’ils doivent faire de concert pour l’édification de la société canadienne et du pays. Avec beaucoup plus d’éloquence que moi, M. Whyte a déjà affirmé ce qui suit :

Un pays se bâtit lorsque les collectivités qui le forment s’y engagent, lorsqu’elles font des sacrifices en son nom [...] lorsque les collectivités qui le forment font des compromis, lorsqu’elles se font des promesses, lorsqu’elles font des transferts et, peut-être plus important, lorsqu’elles bénéficient des avantages de la solidarité nationale. Les fils de milliers de concessions mutuelles tissent la toile de la nation [...]

Pour conclure, permettez-moi simplement de dire que, à tous les ordres de gouvernement, nous avons le devoir d’offrir aux municipalités des concessions mutuelles — des concessions dont les fils, pris ensemble, tissent la toile d’un merveilleux pays. Merci, hiy hiy.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(À 17 h 34, le Sénat s’ajourne jusqu’au 31 mai 2022, à 14 heures.)

ANNEXE

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

Les finances

La Loi sur la faillite et l’insolvabilité

(Réponse à la question posée le 21 février 2022 par l’honorable Diane F. Griffin)

Le gouvernement surveille en permanence les lois canadiennes sur l’insolvabilité pour s’assurer qu’elles demeurent adaptées aux besoins des Canadiens et à l’évolution du marché.

En ce qui concerne le traitement des régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, il est important de noter que les caractéristiques du REEE qui offrent une flexibilité au cas où un enfant ne poursuivrait pas d’autres études augmentent également le risque qu’un REEE puisse abriter les actifs des réclamations des créanciers en cas de faillite, sans s’assurer que les fonds du REEE profiteraient à l’enfant. Les REEE tels qu’ils sont actuellement structurés ne sont pas « immobilisés » – le souscripteur peut accéder aux cotisations à tout moment, et les fonds du REEE peuvent être utilisés à des fins non éducatives. Dans le cadre de notre surveillance des lois sur l’insolvabilité, nous continuerons de considérer tout changement dans la structure des REEE, comme la création d’un mécanisme de blocage, qui pourrait permettre un équilibre équitable des intérêts entre les créanciers et les bénéficiaires du REEE, tout en préservant l’intégrité du régime canadien en matière d’insolvabilité.

Le secteur de la bienfaisance

(Réponse à la question posée le 24 mars 2022 par l’honorable Tony Loffreda)

AGENCE DU REVENU DU CANADA (ARC)

Le contingent des versements (CV) est établi à 3,5 % des actifs d’un organisme de bienfaisance qui ne sont pas utilisés directement pour des activités de bienfaisance ou pour l’administration, sous réserve de certains seuils. Ces actifs sont déclarés à la ligne 5900 du formulaire T3010, mais la ligne 4140 peut aussi être utilisée pour estimer ces actifs.

Une analyse des données du T3010 de 2019 a révélé que sur les 14 918 organismes de bienfaisance qui semblaient respecter les seuils d’actifs, environ 82 % satisfaisaient aux exigences de leur CV. Cependant, ces statistiques sont des estimations, car les données fournies par les organismes dans leur formulaire T3010 n’ont pas nécessairement été vérifiées pour leur exactitude par l’ARC. Généralement, une vérification serait nécessaire pour déterminer si un organisme de bienfaisance est assujetti au CV et s’il a satisfait à ses exigences.

Certains organismes peuvent ne pas satisfaire à leur CV pour différentes raisons. Ils peuvent, par exemple, avoir des difficultés opérationnelles qui limitent leur capacité à dépenser des fonds. Ces organismes peuvent demander une réduction de leur CV s’ils ont des difficultés en raison de circonstances indépendantes de leur volonté et s’ils ont épuisé tous les autres moyens pour combler le déficit. En moyenne, l’ARC reçoit trois de ces demandes par année.

L’industrie

Statistique Canada

(Réponse à la question posée le 5 avril 2022 par l’honorable Rosemary Moodie)

Pendant la première année du Plan d’action sur les données désagrégées, Statistique Canada a élargi et amélioré la collecte des données d’enquêtes clés, y compris l’Enquête sur la population active, l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, l’Enquête sociale générale et la nouvelle Enquête canadienne sur la situation des entreprises, puis a diffusé de nouvelles données désagrégées selon les groupes racisés précis, les Autochtones et les femmes. Des projections démographiques pour les Autochtones et les groupes racisés ont été élaborées pour les prochaines décennies. Des activités de mobilisation ont été menées auprès de ces groupes pour élaborer des options afin de bien recueillir et diffuser des données sur les interactions avec la police. Le 27 avril, Statistique Canada a publié le premier profil exhaustif de la population selon la diversité de genre tiré des données du Recensement de 2021. Il est possible d’accéder à toutes les données sur le site Web amélioré du Carrefour de statistiques sur le genre, la diversité et l’inclusion de Statistique Canada. Le Plan d’action sur les données désagrégées permet d’approfondir la compréhension des conditions socioéconomiques et des expériences vécues par les sous‑groupes de la population et ses informations sont déjà prises en compte dans la prise de décisions.

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